Inspire Middle East vous emmène au sommet du Milken Institute à Abu Dhabi, aborde les réformes sociales et économiques mises en œuvre en Arabie saoudite et s’intéresse aux relations commerciales entre le Royaume-Uni et le Conseil de coopération du Golfe (CCG), sur fond de Brexit.
"Le royaume est ouvert à tous" : entretien avec S.A.R, le prince saoudien Turki ben Fayçal Al Saoud
Cette semaine, Inspire Middle East vous fait découvrir un important sommet. Le Milken Institute’s Middle East and Africa summit s’est déroulé début février à Abu Dhabi. Il a attiré des chefs d’entreprises et des célébrités du monde entier.
Cet épisode aborde aussi l’actualité régionale et les réformes sociales et économiques mises en œuvre en Arabie saoudite. Rebecca Mclaughlin-Eastham a rencontré avec un membre éminent de la famille royale.
L’équipe d’inspire Middle East s’est aussi intéressée aux conséquences du Brexit pour la région du Moyen-Orient en termes de flux d’investissements.
SOMMET DU MILKEN INSTITUTE À ABU DHABI
Ils sont décideurs ou pionniers, dans des secteurs allant de l’économie au bien-être, et ont assisté au sommet 2020 du Milken Institute au Moyen-Orient et en Afrique.
Le sommet du Milken Institute à Abu Dhabi, Ou comment des leaders d’opinion se retrouvent pour discuter de certains de problèmes mondiaux les plus urgents.
Le Milken Institute a pour mission d’aider les gens à construire une vie avec du sens, et se focalise sur le développement des lieux de travail et l’innovation financière.
Le rapport Global Opportunities Index publié par Milken a analysé les améliorations apportées par les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) l’année dernière. Créé en 1981, le CCG est composé de six pays, l’Arabie saoudite, Oman, le Koweït, le Bahreïn, les Emirats arabes unis (EAU) et le Qatar.
Cette étude a révélé que leurs performances étaient à la traîne dans quatre domaines : la transparence de l’information, la qualification de la main-d’œuvre, l’ouverture économique et la protection des droits des investisseurs. Ce retard affecterait l’attraction potentielle d’investisseurs étrangers dans la région.
Cette dernière aurait cependant un fort potentiel pour améliorer les choses.
“Pour tendre vers une amélioration, la région doit non seulement mettre en place des lois, ce qui est déjà fait par de nombreuses juridictions, mais aussi avoir la volonté politique de faire respecter ces lois”, explique Michael Klowden, PDG du Milken Institute.
Selon Milken, une accélération des réformes aiderait les économies régionales à mieux se diversifier hors du secteur pétrolier. Reste que cette décision appartient, au final, au gouvernement.
“Il ne fait aucun doute que le talent est là, que le capital est là, que la capacité de se diversifier loin de la dépendance énergétique est là, mais cela va demander beaucoup de travail”, ajoute Michael Klowden .
Des événements comme l’Expo 2020 à Dubaï et la présidence saoudienne du G20 cette année, pourraient être deux opportunités uniques d’attirer des investissements internationaux.
Un constat que Rebecca Mclaughlin-Eastham a partagé avec l’un des diplomates les plus en vue de ce sommet, son Altesse Royale, le prince saoudien Turki ben Fayçal Al Saoud d’Arabie saoudite.
ENTRETIEN AVEC SON ALTESSE ROYALE, TURKI BEN FAYÇAL AL SAOUD
Rebecca Mclaughlin-Eastham : De nombreux analystes disent que l’Arabie saoudite doit de toute urgence mieux protéger les intérêts des investisseurs, aller vers plus d’ouverture économique et davantage de transparence financière. A quelle vitesse ces réformes sont-elles mises en œuvre pour encourager une augmentation des flux d’investissements étrangers ?
S.A.R : Le Royaume a lancé en 2016 le plan « Vision 2030 ». Il est structuré autour de 12 étapes de transformation destinées à nous préparer à aller jusqu’à cette date butoir. Et d’après ce que j’ai entendu des déclarations officielles, nous sommes à peu près sur la bonne voie.
Avec une population de plus de 34 millions d’habitants dans le royaume d’Arabie saoudite, la création d’emplois est une question urgente et même un réel défi. Le relèverez-vous d’ici 2030?
S.A.R : J’espère que oui. Vous savez, il ne s’agit pas seulement de créer des emplois mais de se sentir bien dans un environnement qui n’est pas forcément bien établi, en termes notamment de stabilité et de sécurité politique ou encore de capacité financière. Il y a, autour de nous, des zones sensibles et des états défaillant dans différentes parties du monde.
L’Arabie saoudite accueillera pour la première fois le sommet du G20. Certaines organisations de défense des droits de l’homme et des mouvement anti-corruption ont exprimé des inquiétudes. Ils ont aussi menacé de boycotter des réunions avant le sommet. Dans quelles mesures les Saoudiens tiennent-ils compte de leurs préoccupations?
S.A.R : Je pense que c’est une vision à court terme. S’ils veulent voir à quoi ressemble l’Arabie saoudite, ils devraient s’y intéresser plutôt que de boycotter. « Le royaume est ouvert à tous. Quiconque veut y venir, est le bienvenu ». Celui qui ne le souhaite pas manquera une opportunité.
Que répondez-vous à ceux qui prétendent qu’accueillir le G20 est, pour l’Arabie saoudite, une occasion pour détourner l’attention sur la situation au Yémen ainsi que sur le bilan du Royaume en matière de Droits de l’homme ?
S.A.R : Il n’y a pas là d’évitement. Nous sommes ouverts, nous avons des engagements au Yémen. Nous sommes impliqués et nous soutenons le gouvernement légitime du Yémen contre un usurpateur qui utilise des moyens militaires pour tenter de prendre le contrôle du pays. Et concernant les droits de l’homme, etc., venez voir, vous serez surpris et, espérons-le, engagés avec nous dans ce programme.
Pensez-vous qu’un jour, l’Arabie saoudite aura des partis politiques indépendants et même des syndicats?
S.A.R : L’avenir est entre les mains de nos jeunes. S’ils veulent suivre cette voie, ce sera leur choix. Les miens sont faits. Je ne veux pas nécessairement regarder le passé. Je veux voir l’avenir de mes enfants et de mes petits-enfants et j’aimerais qu’ils vivent en sécurité et dans une région stable.
Beaucoup de réformes sociales en Arabie saoudite ont été largement adoptées par les habitants du Royaume, mais pas par tout le monde. Comment faire en sorte que chaque partie soit entendue, dans ce qui était formellement un royaume très conservateur?
S.A.R : Il y aura toujours ceux qui ont une vision différente du développement dans n’importe quel pays, pas seulement en Arabie saoudite. La chose à faire est de parler avec ces personnes, d’essayer de leur montrer que quelles que soient leurs peurs ou les malentendus, nous pouvons aborder ces sujets ensemble et communiquer.
Parlons des élections américaines. Qui aimeriez-vous voir assis dans le bureau ovale? Qui représenterait le mieux les intérêts de l’Arabie saoudite en termes de politique étrangère américaine?
S.A.R : Nous travaillons avec tous les présidents américains depuis 1945. Nos deux pays ont maintenu une relation forte même si nous avons eu des différends. Nous avons connu des hauts et des bas, mais dans l’ensemble, je pense que nos intérêts stratégiques se sont maintenus au premier plan de nos intérêts. Alors quiconque siège à la Maison Blanche est le bienvenu ici et j’espère qu’il en va de même dans l’autre sens. Que celui qui s’assoit sur le trône à Riyad est le bienvenu à Washington.
Puis-je avoir votre avis sur les tensions actuelles entre les États-Unis et l’Iran ?
S.A.R : J’espère qu’il n’y aura pas de conflit. Et je pense que cela ne nous concerne pas seulement nous, mais aussi les Etats-Unis. Le problème, c’est que l’Iran a provoqué un conflit. Vous avez vu comment les Iraniens ont agi avec les pétroliers il y a quelques mois dans le Golfe et la mer d’Oman. Vous avez vu leurs attaques contre les installations d’Aramco en septembre dernier et ainsi de suite. Espérons que l’Iran deviendra un partenaire constructif dans la région plutôt qu’un intrus destructeur qui essaie de la contrôler.
Parlons du niveau de sécurité du Royaume. Est-il renforcé comme il peut être susceptible de l’être dans le sillage de telles attaques ?
S.A.R : C’est un défi et les intérêts saoudiens ne sont pas les seuls concernés. Les cinq ou six millions de barils qui ont été touchés par ces missiles et ces drones lorsque l’Iran a attaqué affectent le monde entier.
LA GRANDE-BRETAGNE, LE CCG ET LE BREXIT
Inspire Middle East s’est intéressée aux relations commerciales entre le Royaume-Uni et le Conseil de coopération du Golfe (CCG) dans le contexte du Brexit.
Rosie Lyse-Thomson a cherché à savoir comment les relations et liens commerciaux, ainsi que les flux d’investissement, pourraient être affectés dans cette nouvelle ère.
Alors que l’encre sèche encore sur les documents de divorce avec l’union européenne, pour la première fois depuis 1973, le Royaume-Uni est libre de négocier ses propres accords commerciaux.
Et pour de nombreux Britanniques, le Moyen-Orient s’apparente à une nouvelle arène d’investissement passionnante.
Chris Doyle, directeur d’une organisation à but non lucratif, travaille sur la politique Royaume-Uni-Moyen-Orient. Selon lui, la Grande-Bretagne misera sur des liens bien établis pour pactiser.
“La Grande-Bretagne a toujours eu une relation historique avec les États du Conseil de coopération du Golfe. C‘était, mis à part l’Arabie saoudite, le pouvoir colonial ou protecteur de ces états et nous voulons exploiter ces liens très profonds. Il faudra faire beaucoup d’efforts pour rappeler à ces Etats que malgré des mois chaotiques en Grande-Bretagne, cette dernière est désormais ouverte aux affaires et de retour dans la partie”, dit-il.
Conclure des accords commerciaux bilatéraux pourraient cependant demander des années de négociations.
De nombreux pays du Moyen-Orient présentent des barrières commerciales relativement faibles. Ainsi, malgré l’absence de libre-échange officiel, beaucoup d’entreprises trouvent très facile de travailler. En dehors de l’Union européenne, le CCG est le deuxième marché d’exportation du Royaume-Uni derrière les États-Unis.
L’année dernière, le commerce total de biens et services représentait 54,8 milliards de dollars américains, selon les chiffres du gouvernement britannique.
“Il y a des secteurs qui vont de l’avant, comme celui de la technologie, des soins de santé, de la productique ou des transports, et qui vont encourager les communautés et les pays dans leur évolution. Le Royaume-Uni tient à s’associer avec le Moyen-Orient et le Golfe au moment où ils prennent le même chemin”, explique Le commissaire britannique chargé du Commerce pour le Moyen-Orient, l’Afghanistan, et le Pakistan, Simon Penney.
Dans l’espoir de développer davantage cette relation, en 2018, le gouvernement britannique a composé une équipe spécialisée sur le financement des exportations à Dubaï.
“Nous bénéficions de plus de 30 milliards de livres de soutien financier pour mener des projets dans cette région et si nous le faisons, ce n’est pas seulement pour aider ces pays financièrement, mais aussi pour permettre aux entreprises britanniques de leur fournir des biens et des services et de s’impliquer dans des projets auxquels elles ne participeraient pas en temps normal”, ajoute Simon Penney.
Sous pression, pour que le Brexit soit un succès, le gouvernement britannique a lancé une campagne mondiale visant à courtiser des partenaires du commerce extérieur. Ministres et diplomates ont, avec dynamisme, créé des opportunités pour les entreprises britanniques.
L’année dernière, Solar Water a rejoint la mission commerciale du Royaume-Uni en Arabie saoudite. Neuf mois après son entrée sur le marché mondial, la société britannique a signé des contrats de plusieurs millions de dollars avec le Royaume et la Jordanie.
Grâce à la technologie, Solar Water transforme l’eau de mer en eau douce.
“La technologie britannique est reconnue dans le Moyen-Orient comme extrêmement utile pour la prospérité des économies et des communautés”, assure le PDG de Solar Water, David Reavley.
Mais l’heure tourne concernant le nombre de pactes commerciaux que le Royaume-Uni pourrait conclure avant de quitter l’union douanière de l’UE le 31 décembre. Ce nombre, certains l’estiment déterminant pour mesurer la réussite ou l’échec de cette politique commerciale dans l’avenir.