Envolée musicale et artistique dans les Émirats arabes unis et au Kurdistan irakien

Cette semaine, Inspire Middle East vous offre une parenthèse musicale et célèbre le meilleur de la grande musique européenne au cœur des Emirats arabes unis.

Au programme :

- L’orchestre symphonique de Hambourg rend hommage à Beethoven, 250 ans après sa naissance, au festival de musique classique “Abu Dhabi Classics”.

- Rencontre avec de jeunes talents, alors que des Emiratis se préparent à monter sur une très grande scène de la capitale.

- Direction le Kurdistan irakien, à la découverte d’arts ancestraux.

Hommage à Beethoven

Lorsque le célèbre Orchestre symphonique de Hambourg part en tournée, il ne voyage pas léger. Il emporte dans ses bagages, les instruments et accessoires de plus de 75 musiciens professionnels et 80 chanteurs. Ils ont fait le déplacement, depuis l’Allemagne, pour célébrer les 250 ans de la naissance de Beethoven lors de la neuvième édition du festival de musique “Abu Dhabi Classics’.

Quelle meilleure manière de marquer cette occasion que de jouer l’un des morceaux les plus célèbres jamais écrits par le compositeur allemand, sa 9e symphonie en ré mineur.

Le dernier chef-d‘œuvre de Beethoven fut créé à Vienne en 1824, à l‘époque où le compositeur, atteint d’acouphènes, était presque sourd.

Cette symphonie est considérée comme l’opus magnum de Beethoven, sa plus grande œuvre. Depuis sa création, la 9e symphonie en ré mineur n’a jamais cessé d’être jouée dans le monde, par les plus grands ensembles et dirigée par les plus grands chefs d’orchestre.

Pour certains critiques, cette œuvre a marqué un tournant dans l’histoire de la musique.

Sylvain Camberling dirige l’Orchestre Symphonique de Hambourg, créé en 1945. Le chef d’orchestre est connu pour son approche audacieuse et créatives des productions.

ENTRETIEN AVEC SYLVAIN CAMBERLING

Rebecca McLaughlin-Eastham, euronews :

En tant que chef d’orchestre, avez-vous le droit d’avoir des compositeurs préférés? Si oui, à quelle place classez-vous Beethoven?

Sylvain Camberling : “Quand je dirige des pièces spécifiques, je préfère dire que c’est ma pièce préférée, en fait. Ici, aujourd’hui, Beethoven sera mon compositeur préféré”.

Certains musicologues disent que cette pièce a marqué un tournant dans l’histoire musicale. Est-ce-exact?

Sylvain Camberling : “Oui, c’est exact. D’abord, elle est beaucoup plus longue que toutes les autres symphonies – l’Adagio, longue méditation, commence par un éclat orchestral – C’est comme une destruction de l’harmonie pour trouver la bonne mélodie – Une mélodie très simple à penser pour tout le monde et qui veut dire : parlons de la joie. Et nous devons convaincre le monde entier que nous sommes frères et que la joie peut nous unir”.

Si vous pouviez rencontrer Beethoven aujourd’hui, que lui diriez-vous?

Sylvain Camberling : “Ne me demandez pas ça, je ne sais pas. Je n’aurais que de l’admiration et je lui dirais : tu as déjà tout dit, nous n’avons pas besoin de plus, mais nous allons essayer de donner plus”.

Le 9e symphonie est le premier exemple de symphonie chorale, illustrée dans le 4e et dernier mouvement par des chanteurs interprétant l’Ode à la Joie, également appelée l’Hymne à la joie, le poème de Friedrich von Schiller écrit en 1785 et mis en musique par Beethoven.

“La pièce explore les thèmes de la tolérance, de la paix et de la fraternité. Ces thèmes résonnent encore aujourd’hui”, explique le ténor américain Robert Dean Smith. Il a débuté sa carrière il y a plus de trente ans.

C‘était la première fois qu’il se produisait au Moyen-Orient avec L’EuropaChorAkademie, fondé en 1997 en vue d’inspirer, à travers ses performances, une renaissance des riches traditions chorales de l’Allemagne.

“C’est vraiment merveilleux de chanter ça. C’est tellement inspirant. Cela procure non seulement une grande joie mais aussi un sentiment de bien-être. La qualité de la musique est la raison pour laquelle tant de gens la connaissent et la reconnaissent parce qu’elle leur parle ; elle déclenche une émotion à l’intérieur”, dit-il.

La présence de l’Orchestre symphonique de Hambourg à Abu Dhabi a non seulement ravi les amateurs de musique classique dans l‘émirat mais a également inspiré les jeunes de la capitale.

“Quand je chante avec mes amis, c’est vraiment exaltant et je me sens vraiment positive et optimiste”, raconte Ishtanetra Siva, élève de l’école Al Yasmina.

Très impressionnant, ces jeunes chantent… en allemand.

Les élèves de l‘école Al Yasmina et de l‘École internationale allemande ont répété pendant des mois avant de monter sur scène, guidés par la chanteuse d’Opéra Helen Kerr. Pour elle, il est très important que les enfants émiratis apprennent et connaissent les Grands de la musique européenne.

“C’est extrêmement important car c’est une partie si énorme de l’histoire, même si je sais que c’est une histoire occidentalisée. Je travaille dans une école britannique et, pour moi, enseigner ce genre de musique aux enfants c’est bien, mais en faire l’expérience avec eux et les y plonger, c’est les amener à un tout autre niveau. Cela a été un vrai défi parce que nous chantons en harmonie à quatre voix. Nous avons aussi des élèves qui sont âgés de 7 à 18 ans”, dit-elle.

Les centaines d’heures de répétitions semblent avoir porté leurs fruits pour ces petits, nouveaux fans de Beethoven. Ils ont réussi à interpréter l’Ode à la joie du maestro, pour la plus grande joie d’un public sous le charme.

Le Kurdistan irakien imprégné d’art

Le Kurdistan irakien est un territoire qui abrite, depuis des siècles, de nombreux philosophes, musiciens et artistes.

Depuis la fondation de la ville moderne il y a plus de 200 ans, Sulayaniyah a été un foyer créatif pour les chanteurs, les artistes et les polymathes (hommes d’esprit universel – ndlr), la maison, aussi, de poètes comme Mahwi, Piramerd et Nali.

Aujourd’hui, la ville transforme une usine de tabac abandonnée de 60 000 mètres carrés en un centre culturel où les jeunes artistes peuvent se réunir pour créer.

Pour ces jeunes, il n’existe qu’une seule règle, être ensemble et jouer de la musique.

“Au début, c’est un peu dément. Tout le monde frappe sur son instrument, et puis finalement, ils trouvent un rythme, apportent de petits ajustements et une heure et demi après, ils sortent un chef d’œuvre”, raconte le musicien Ravin Bagg.

Le groupe attire des artistes de toute la ville et mêle les instruments.

“Nous nous réunissons ici chaque semaine et nous travaillons sur une idée que nous avons eue. Nous pouvons par exemple mêler deux instruments différents qui n’ont jamais étés unis auparavant. Grâce à la flexibilité du lieu et à la façon dont nous sommes autorisés à travailler, nous avons la possibilité de créer des choses géniales. Si nous n’avions pas d’espace comme celui-ci, ce serait très difficile”, ajoute-t-il.

Les musiciens ne sont pas les seuls à avoir trouvé une maison dans cette usine. L’artiste Tara Abdullah a installé sa galerie et son atelier dans un coin de la fabrique.

“L’art vous touche comme la maladie, vous ne pouvez pas vous en débarrasser. Il y a toujours quelque chose en vous qui bouge. Et tout cela ressort quand vous bougez vos mains”, dit-elle.

Soutenu par des organisations à but non lucratif et par le gouvernement régional kurde, le projet de transformation de l’usine en un lieu de création n’en est qu‘à ses débuts.

Jusqu‘à présent, seul un des bâtiments a été transformé en studio d’art et en galerie d’exposition.

Dans les prochaines années, l’ancienne usine pourrait abriter un cinéma, un théâtre, des salles de cours et un studio de danse.

Sulaymaniyah n’est pas la seule ville kurde à encourager la création.

Rosie Lyse-Thomson, euronews :

“La citadelle d’Erbil est l’un des plus anciens lieux au monde habité en permanence. Une petite merveille dont la grandeur inspire les artistes depuis des siècles”.

L’archéologue kurde irakienne, Lanah Haddad, est aussi une artiste. Elle a inventé “Urbilum”, un jeu de société de stratégie basé sur Erbil et son histoire.

Les règles sont simples. Deux joueurs se battent pour acquérir pouvoir et influence, comme le faisaient les anciens rois assyriens Ashurbanipal et Sennacherib.

“J’espère que ce sera le premier jeu d’une longue série dans laquelle je présenterai différentes périodes de notre patrimoine. J’ai commencé avec l’empire assyrien, car c’est l’une des époques les plus riches dans l’histoire humaine et que nous avons beaucoup d’objets qui s’y rapportent”, explique Lanah Haddad.

Lanah a créé son jeu grâce à des informations et des événements historiques précis. Elle estime qu’après des décennies de conflit, l’art est devenu incroyablement important pour le peuple kurde. Il lui permet de renouer avec son patrimoine.

“Nous ne voulons tout simplement pas parler du passé. Nous ne l’oublions pas, mais nous l’abordons avec résilience et nous essayons de construire quelque chose de nouveau. L’art a toujours été quelque chose d’extrêmement important dans notre culture. Et pas seulement pour les Kurdes mais pour toutes les communautés qui vivent ensemble ici”, dit-elle.

Comme de nombreux jeunes artistes, Lanah espère que son art contribuera à rapprocher les communautés et à créer une intrigue autour de l’histoire de la région.

À découvrir également

Voir sur Africanews
>