En Somalie, l‘État semi-autonome du Jubaland au sud-ouest a rendez-vous jeudi avec les urnes pour élire le président et le Parlement. Mais une élection sur fond de tensions internes susceptibles d’affecter la paix déjà fragile dans la sous-région.
Somalie : une élection, de grands enjeux pour la Corne de l'Afrique
Pas d’entrée ni de sortie à Kismayo, capitale du Jubaland. La faute au scrutin qui aura lieu jeudi afin d‘élire le président et les membres du Parlement de cet État semi-autonome situé au sud-ouest à la frontière avec le Kenya.
Dès ce mercredi, tous les accès (aéroport et routes) à la ville de Kismayo sont bloqués par des barrages policiers ou militaires. Une mesure qui, aux yeux des observateurs, met au jour les tensions existant entre le gouvernement central basé à Mogadiscio et le gouvernement fédéral de Kismayo.
À la base, une sorte de crise de confiance entre les deux parties. « Nous avons fermé toutes les issues de Kismayo pour empêcher le central somalien, qui utilise tous les moyens possibles, y compris les forces éthiopiennes, de perturber l‘élection de Jubaland », a déclaré à Reuters Mohamud Sayid Aden, vice-président de Jubaland.
Importants enjeux sous-régionaux
Mis à part ces tensions internes, cette élection dissimule mal d’importants enjeux relatifs à la stabilité d’une bonne partie de la Corne de l’Afrique. Notamment pour le Kenya qui doit souhaiter qu’Ahmed Mohamed Islam, alias Madobe puisse rempiler.
Le fondateur des shebabs, Madobe après s‘être « repenti » en 2000, avait aidé Nairobi à chasser les shebabs de Kismayo. « Ils l’ont installé et il s’agit d’un personnage de confiance », explique Hussein Sheikh-Ali, ancien conseiller à la sécurité nationale et fondateur de l’Institut Hiraal, un groupe de réflexion basé à Mogadiscio.
L’enjeu est aussi économique. D’après des observateurs, une zone maritime entre la Somalie et le Kenya est souvent disputée par les deux pays pour ses importants gisements de pétrole et de gaz.
De son côté Mogadiscio, d’après des analystes est opposé à une réélection de Madobe. Le gouvernement central entend ainsi convaincre l‘Éthiopie pour aider au départ de l’allié des Kényans au profit de l’un de ses principaux rivaux : Anab Dahir, Mohamed Gedi et Mohamud Omar.
Du coup, bien qu’ayant tous les deux des soldats en Somalie dans le cadre de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) pour la lutte contre le terrorisme, l‘Éthiopie et le Kenya pourraient avoir des antagonismes, ainsi que le redoutent des experts.
« Il y a un danger que l‘Éthiopie et le Kenya se trouvent opposés sur cette question, ce qui porterait un coup à un fort partenariat entre les deux pays qui dure depuis plus de 50 ans », expliquait récemment à RFI, Matt Bryden, directeur du think tank Sahan Research et spécialiste de la Corne de l’Afrique.