Des dizaines de membres et sympathisants d’un parti ethno-nationaliste amhara ont été arrêtés en lien avec ce que les autorités qualifient de “tentative de coup d’Etat” samedi contre le gouvernement de la région de l’Amhara, dans le nord-ouest de l’Ehtiopie, a annoncé jeudi un porte-parole de ce parti.
Éthiopie : arrestation d'une cinquantaine de nationalistes amhara
Publié à 10h GMT, mis à jour à 12h GMT
Trois hauts responsables locaux, dont le président de la région amhara, ont été tués samedi à Bahir Dar, la capitale amhara, dans cette tentative alléguée de renverser le gouvernement de cette région, une des neuf régions du pays dessinées sur les bases d’un fédéralisme ethnique.
Ces assassinats seraient liés, selon les autorités, à celui perpétré quelques heures plus tard du chef d‘état-major de l’armée éthiopienne, Seare Mekonnen, à Addis Abeba, par son garde du corps alors qu’il organisait la réponse à l’attaque de Bahir Dar. Un général à la retraite qui lui rendait visite a également été tué.
Ces événements traduisent une lutte de pouvoir dans le cadre de la crise politico-ethnique que traverse l’Ethiopie.
“Rien qu‘à Addis Abeba, 56 de nos membres et sympathisants ont été arrêtés, tandis que des dizaines d’autres ont aussi été arrêtés en région oromo”, située au sud de la région amhara, a dit Christian Tadese, porte-parole du Mouvement national amhara (NaMa).
Ce parti est vu par les observateurs comme ayant des idées très proches de celles de l’homme accusé d’avoir organisé les attaques de samedi, Asaminew Tsige, le chef de la sécurité et des renseignements de la région Amhara. En fuite, il a été tué lundi par des policiers.
“Cette campagne d’arrestations contre des membres et sympathisants du NaMa ne vise pas juste un parti, c’est une attaque contre une identité”, celle de l’ethnie amhara, a accusé le porte-parole.
Un employé du bureau du procureur général d’Ethiopie a indiqué jeudi à l’AFP sous couvert de l’anonymat que trois de ses collègues avaient été arrêtés sur leur lieu de travail depuis lundi.
Un activiste, Elias Gebru, a assuré que trois de ses collègues avaient été arrêtés et avaient comparu mardi devant un juge en lien avec la “tentative de coup d’Etat” de samedi.
“Le gouvernement éthiopien recourt à ses vieilles pratiques consistant à persécuter les gens pacifiques en utilisant ses luttes internes comme excuse”, a accusé l’activiste, qui dirige un groupe militant pour les droits des habitants d’Addis Abeba.
L’internet a par ailleurs été partiellement rétabli en Ethiopie jeudi après un blackout quasi total de cinq jours.
Les autorités éthiopiennes ne sont pas exprimées au sujet des arrestations évoquée par le NaMa. Mardi, elles avaient indiqué que quatre hauts responsables de la région amhara avaient été arrêtés.
Milices ethniques
Les assassinats de samedi sont vu comme un coup porté à l’agenda réformateur et progressiste du Premier ministre Abiy Ahmed.
Abiy Ahmed s’est efforcé depuis son entrée en fonction en avril 2018 de démocratiser le pays, légalisant des groupes dissidents et améliorant la liberté de la presse.
Cet assouplissement a également permis une expression plus libre des tensions intercommunautaires et des nationalismes ethniques, et a fortement affaibli la coalition au pouvoir à Addis Abeba, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), et les partis la composant.
Le NaMa est un parti ethno-nationaliste créé en 2018 et de plus en plus populaire auprès des Amhara, la deuxième ethnie d’Ethiopie, au point de sérieusement concurrencer le Parti démocratique amhara (ADP) qui représente cette région au sein de l’EPRDF.
L’homme accusé d’avoir orchestré les deux attaques de samedi, Asaminew Tsige, “défend de nombreuses questions que défend” le NaMa, a noté le centre de recherche géo-politique International Crisis Group dans un communiqué publié mardi.
Le NaMa “défend des revendications territoriales sur le Tigré voisin et assure qu’il mettra un terme aux persécutions des Amhara vivant en dehors de la région amhara”, a détaillé l’ICG, notant que la nomination de M. Asaminew à son poste de chef de la sécurité a été vue comme une tentative de l’ADP de contenter les Amhara les plus radicaux.
M. Asaminew, libéré en 2018 dans le cadre d’un programme d’amnistie après près de 10 ans de prison pour un présumé complot, aurait été sur le point d‘être démis de ses fonctions en raison de sa rhétorique belliqueuse. Il avait notamment ouvertement entrepris de former des milices ethniques.
AFP