La prison à vie a été requise lundi contre les généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé, cerveaux présumés du putsch manqué de 2015 au Burkina Faso, jugés avec plus de 80 autres accusés au cours d’un procès marathon à Ouagadougou.
Burkina : prison à vie requise pour les cerveaux présumés du putsch de 2015
Publié à 15 GMT, mis à jour à 19h GMT
“Diendéré est l’instigateur principal du coup d’Etat” qui a fait 14 morts et 270 blessés, a estimé la procureure du tribunal militaire, la commandante Pascaline Zoungrana.
Le 16 septembre 2015, des soldats de l’unité d‘élite de l’armée, le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), avaient tenté en vain de renverser le gouvernement de transition mis en place après la chute du président Blaise Compaoré, chassé par une insurrection populaire un an plus tôt.
Ancien bras droit de Compaoré, dont le RSP était la garde prétorienne, Diendéré est resté de marbre lors du réquisitoire, toujours sanglé dans son treillis militaire.
Dans la salle d’audience seulement à moitié pleine alors qu’approche le terme de ce procès historique ouvert en février 2018 et plusieurs fois interrompu, le public n’a pas réagi. Des mesures de sécurité drastiques avaient été mises en place autour de la salle des banquets de Ouaga 2000, un quartier huppé de la capitale burkinabè, où les débats avaient été délocalisés.
Djibrill Bassolé, ancien chef de la diplomatie de Blaise Compaoré et général de gendarmerie, était absent pour raisons médicales, selon sa défense.
La procureure a retenu contre les deux hommes les charges de “trahison” et de “meurtre”, ainsi que celle d’“attentat à la sûreté de l’Etat” pour le premier et de “complicité” pour le second.
La procureure a détaillé ses accusations contre le général Diendéré, dont elle a demandé la dégradation.
“Après l’arrestation des autorités de la transition, il a été la première personne contactée par les éléments qui ont exécuté le coup”, a-telle dit. “Un document portant création du CND (Conseil national pour la démocratie) a été retrouvé sur son ordinateur portable expertisé, sa date est antérieure à la prise d’otages des autorités. Il était bien au courant des actions en cours”.
‘Aucun repentir’
Lors du coup de force, le général Diendéré avait pris la tête du Conseil national pour la démocratie, organe dirigeant des putschistes, avant de rendre le pouvoir face à la pression populaire et de l’armée loyaliste.
Djibrill Bassolé a quant à lui “aidé à préparer ou faire consommer le coup d’Etat”, selon la procureure. L’ancien baron du régime Compaoré, qui demande une évacuation sanitaire vers la France, est poursuivi sur la base de l’enregistrement d’une conversation téléphonique qu’il aurait eue avec le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, dans laquelle celui-ci semble exprimer son soutien au putsch. La défense conteste la véracité de cet enregistrement.
Les deux généraux avaient plaidé non coupable lors de leurs comparutions.
La procureure a requis par ailleurs des peines de 25 ans de prison contre la dizaine de militaires membres du commando qui avaient arrêté le gouvernement de transition.
Quinze ans d’emprisonnement ont été requis contre le lieutenant-colonel Mamadou Bamba qui avait lu à la télévision le communiqué des putschistes, ainsi que contre cinq autres accusés.
Pour le reste des accusés, la procureure a demandé des peines plus légères, entre 15 mois avec sursis et cinq ans ferme. Aucune infraction n’a finalement été retenue contre deux accusés (sur 84 au total).
Me Olivier Yelcouni, l’un des avocats de M. Diendéré, s’est dit serein après le réquisitoire. “La perpétuité proposée, c’est l’avis du parquet. Ce n’est pas le parquet qui décide mais le tribunal”. “Je vais prendre tout mon temps pour expliquer au tribunal ce que j’ai à dire”.
Avocat de la partie civile, Me Guy Hervé Kam, a estimé justes les réquisitions contre les deux généraux. “Quand vous avez commis les actes les plus graves et que vous ne faites aucun repentir, vous ne pouvez espérer que les peines les plus graves”.
Il s’est dit surpris par l’imprécision des autres réquisitions. “Ce sont des réquisitions qui nous ont surpris, le parquet a requis telle peine pour tel accusé sans nous dire pourquoi”, espérant que le jugement clarifiera cela. “Dans l’ensemble les peines sont clémentes”.
L’audience reprendra le 27 juin pour les plaidoiries de la défense.
AFP