Japon : une application contre les pervers sexuels du métro de Tokyo

Le Japon, le pays le plus ‘‘électronique’‘ de la planète, vient de conforter encore une fois sa position de leader mondial en termes d’innovations technologiques en créant une application contre les ‘‘frotteurs’‘ du métro. Il s’agit ici de repousser les pervers qui éprouvent le malin plaisir à se rapprocher un peu trop de leurs victimes de choix, les femmes. Explications.

L’application du nom de Digi Police, facilement téléchargeable, émet un ‘‘Stop’‘ à fort volume, dissuadant ainsi les pervers et autres voleurs de s’approcher davantage de leurs victimes. Mais l’histoire de Digi Police a en fait commencé en 2016. A l‘époque, la police de Tokyo avait le souci de protéger les personnes âgées et les familles contre les voleurs, les arnaqueurs, ainsi que les rôdeurs. Puis s’est ajouté le projet de protection des femmes contre les pervers sexuels, aussi appelés ‘‘frotteurs’‘.

Ces adeptes du plaisir par frottement (souvent contre l’avis de leurs proies) pullulent dans le métro de la mégalopole nipponne et, pour leurs victimes, cette application vient comme un cadeau du ciel. En effet, Digi police est devenue l’une des applications les plus téléchargées au Japon, sinon, la plus téléchargée du moment. Et les chiffres le disent d’eux-mêmes : plus de 237.000 téléchargements.

Un franc succès auprès des femmes

Pour Keiko Toyamine, une responsable du département de police, il s’agit d’“un chiffre inhabituellement élevé. Sa popularité est telle que le nombre d’abonnés augmente d’environ 10.000 chaque mois”.

Le succès de Digi Police s’explique non seulement par le nombre de pervers qui rôdent dans le métro de Tokyo, mais aussi par un autre fait, culturel celui-là : au Japon il est très mal vu de parler dans le métro, les gens étant occupés à pianoter sur leurs smartphones dans l’un des pays les plus connectés de la planète. Dans ce pays, crier à l’aide pourrait être dérangeant dans le métro. “Avec Digi Police, elles (les victimes) peuvent alerter les autres passagers tout en restant silencieuses”, aux dires de Keiko Toyamine. Cela permet ainsi de ne pas sortir les passagers de leur cocon.

Digi Police fonctionne sur le principe sonore. Lorsque quelqu’un se sent en danger, il active l’appication qui déclenche “Il y a un agresseur. Aidez-moi !”, à fort volume. Le même message s’affiche aussi sur l‘écran du smartphone (ou de la tablette).

En 2017, environ 900 cas de harcèlement et d’agressions ont été dénoncés dans les métros et trains de la seule ville de Tokyo. Keiko Toyamine se prononce sur ce chiffre, affirmant que “ce n’est que la partie émergée de l’iceberg”. Elle ajoute aussi que les femmes victimes de ce type d’agressions restent silencieuses, préférant ne pas porter plainte.

La loi japonaise prévoit pourtant de lourdes peines à l’encontre des agresseurs qui s’adonnent à ce genre d’activités : six mois de prison et une amende de 4.000 euros. Si des violences et des menaces sont dénoncées, la peine peut s‘étendre jusqu‘à dix ans de prison.

Yui Kimura a 27 ans et travaille sur l‘île d’Hokkaido (nord). C’est avec la peur au ventre qu’elle se rend à Tokyo. Elle se confie : “J’ai tendance à être vigilante dans le métro de Tokyo car je sais qu‘à tout moment, je peux me retrouver entourée d’hommes douteux.”

Séparer les hommes des femmes

Reina Oishi, 21 ans, est étudiante. Elle avoue avoir été confrontée aux ‘‘frotteurs’‘ : “J’ai été victime de frotteurs tellement de fois”. La jeune femme ne cache pas sa volonté de télécharger Digi Police.

Pour endiguer le phénomène des pervers sexuels, des compagnies ferroviaires ont trouvé la parade ; la mise en place de wagons uniquement réservés aux femmes, et ce, pendant les heures de pointe. Mais ce n’est pas tout. Ces compagnies ont fait installer toute une batterie de caméras sur les lignes où sont le plus signalés les cas de harcèlement.

Au Japon, le sujet des pervers sexuels dans les transports en commun enflamme la toile. Des femmes échangent de plus en ligne sur l’affaire, se donnant des conseils et se soutenant mutuellement.

Akiyoshi Saito est travailleur social et a à ce jour procédé au suivi d’environ 800 ‘‘froteurs’‘ dans le contexte d’un programme de réhabilitation. Il rappelle que ces individus ne sont pas un phénomène typiquement japonais, vu qu’ils sont répertoriés dans n’importe quelle ville de la planète dotée de transports en commun.

Le travailleur social précise aussi que les pervers sexuels des transports en commun nippons ‘‘ciblent en priorité celles (les femmes) qui apparaissent timides et réticentes à porter plainte”. Au pays du soleil levant, le machisme est une réalité aussi dure que le fer. “Cette idée que les hommes sont supérieurs aux femmes peut contribuer” au maintien de telles pratiques, affirme Saito.
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