En Afrique du Sud, la "rock star" de la gauche radicale séduit les classes pauvres

Comme tout idole qui se respecte, il a su faire mijoter ses partisans. Deux longues heures à les laisser s‘échauffer sur les travées d’un stade du township d’Alexandra, à Johannesburg, à grands coups de slogans révolutionnaires le poing levé.

Et puis Julius Malema est arrivé. Son béret rouge vissé sur le crâne, le “commandant en chef” des Combattants pour la liberté économique (EFF) a bondi de sa limousine allemande et entamé un tour d’honneur entouré de ses gardes du corps en treillis, rebaptisés “défenseurs de la révolution”.

“Juju, Juju, Juju”, “Longue vie au commandant en chef”... Pendant de longues minutes, les gradins ont rugi des cris à la gloire du héros de la gauche radicale sud-africaine.

“Il est le seul qui ressente notre douleur, le seul qui aide les gens”, proclame Steven Chauke, 58 ans, venu en voisin acclamer son héros. “Depuis vingt-cinq ans, l’ANC (Congrès national africain au pouvoir) n’a jamais rien fait pour le peuple”, poursuit ce chômeur, “il est celui qui va nous libérer”.

A une semaine des élections générales du 8 mai, Julius Malema fait campagne en terrain conquis.

Au pied des tours du centre d’affaires de Sandton, le quartier pauvre d’Alexandra, surnommé “Alex”, rassemble en quelques kilomètres carrés tous les échecs de l’ANC, qui a pris les rênes de l’Afrique du Sud à la chute du régime de l’apartheid en 1994. Chômage, services publics inexistants, criminalité...

Tous les ingrédients de la recette qui a permis aux EFF, depuis leur création en 2013, de s’imposer comme la force politique montante de la vie politique sud-africaine.

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“Rien que la Constitution”

“Alex c’est la maison des EFF, la maison des pauvres”, entonne Julius Malema face à la foule parée de rouge. “Alex est le vrai visage de l’Afrique du Sud et aujourd’hui Alex dit que ça suffit”.

Dans les gradins, Kukie Ijeo, 47 ans, trépigne. “On n’a rien. Il nous faut des emplois, des maisons, l’eau courante, l‘électricité”, énumère cette résidente du quartier défavorisé de Hillbrow à Johannesburg. “On veut juste ce que dit la Constitution. Du travail, la sécurité, une éducation gratuite et l‘égalité de tous”.

En tribune, le patron des EFF enfonce le clou contre le président Cyril Ramaphosa et l’ANC, accusés de tous les maux du pays.

Tout y passe. La morosité économique persistante, les scandales de corruption et la supposée bienveillance du chef de l’Etat vis-à-vis de la minorité blanche qui a dirigé le pays sous les décennies d’apartheid.

Depuis des années, la redistribution de la terre au profit de la majorité noire est le cheval de bataille de “Juju”.

“Nous devons exproprier sans indemnisation et donner la terre aux gens d’Alexandra pour qu’ils puissent y construire leurs maisons”, lance-t-il sous un tonnerre d’applaudissements.

Plus qu’une nécessité économique, il en fait une question de principe. “Construisons de solides fondations pour que les enfants africains ne grandissent plus dans la peur des Blancs”.

Souvent plus violente encore, sa rhétorique anti-Blancs lui a valu moult ennuis judiciaires.

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“Partager”

Accusé de racisme, le chef des EFF s’en défend énergiquement.

“Je n’ai pas de problème avec les Blancs. J’ai un problème avec le traitement particulier dont ils bénéficient”, a-t-il expliqué à l’AFP pendant la campagne. “On ne va pas tuer de fermiers blancs (...), mais ils doivent redescendre sur terre”.

“La terre est très importante pour nous, elle est source de fierté et de dignité”, abonde Katlego Mogashoa, réceptionniste d’hôtel de 28 ans. “Ils (les Blancs) doivent la partager”.

Le discours de Julius Malema fait mouche et lui a permis de grignoter l‘électorat jeune et pauvre de l’ANC. Les EFF ont obtenu un score national de 8% aux élections locales de 2016 et les sondages le créditent de 10 à 15% des voix le 8 mai.

Très ambitieux, Julius Malema s’imagine volontiers en futur président d’Afrique du Sud. Les analystes en doutent.

“Les EFF vont faire un bon score, 10% ou plus”, convient Frans Cronje, de l’Institut pour les relations raciales, “mais il ne peut guère espérer faire beaucoup plus car la majorité de ce pays appartient au camp des conservateurs modérés”.

Ses sorties populistes et ses promesses sont effectivement loin de convaincre tous les Noirs. “Il est comme tous les hommes politiques”, grommelle Respect Nethananai, 34 ans, un résident d’Alexandra. “Il veut juste le pouvoir”.

Julius Malema ne semble pas toutefois prêt d’infléchir sa route.

A Alexandra, il n’a pas manqué de conclure son discours en entonnant la chanson “Tirez sur le Boer” (le fermier blanc) qui lui avait valu les foudres de la justice. Pour rester dans les clous de la loi, il en a modifié les paroles en “Embrassez le Boer”.

Ses fidèles ne s’y sont pas trompés et ont applaudi à tout rompre.

AFP

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