A 81 ans, le président algérien Abdelaziz Bouteflika, qui briguera un cinquième mandat, est considéré comme l’artisan de la paix après une décennie de guerre civile mais aussi accusé de vouloir s’accrocher au pouvoir malgré une santé défaillante.
Bouteflika, l'homme de paix accusé de s'accrocher au pouvoir
Détenteur du record de longévité à la tête de l’Etat, “Boutef”, comme l’appellent familièrement ses compatriotes, a été élu pour la première fois chef de l’Etat en 1999, puis constamment réélu au premier tour, en 2004 (85 % des voix) puis en 2009 (90 %) et 2014 (81 %), après la suppression de la limitation constitutionnelle à deux mandats présidentiels.
Et le 18 avril prochain, la victoire ne devrait pas lui échapper.
Diminué par un AVC dont il a été victime en 2013, celui qui fut à 26 ans le plus jeune ministre des Affaires étrangères du monde, apparaît désormais mutique et tassé dans un fauteuil roulant.
Un contraste saisissant avec le début de son mandat en 1999, où il s’affichait en orateur volubile et dirigeant hyperactif sillonnant son pays et le monde.
“Je suis l’Algérie toute entière, je suis l’incarnation du peuple algérien”, lance-t-il en accédant au pouvoir.
Né le 2 mars 1937 à Oujda au Maroc, dans une famille originaire de Tlemcen dans le nord-ouest algérien, Abdelaziz Bouteflika rejoint à 19 ans l’Armée de libération nationale (ALN) qui combat la puissance coloniale française en Algérie.
A l’indépendance du pays en 1962, il devient, à 25 ans, ministre des Sports et du Tourisme, avant d’hériter un an plus tard du portefeuille convoité de la diplomatie, qu’il conserve jusqu’en 1979.
En 1965, il soutient le coup d’Etat de Houari Boumédiène alors ministre de la Défense qui dépose le président Ahmed Ben Bella et s’empare du pouvoir.
S’affirmant comme le dauphin de Boumédiène, qui décède en 1978, il est pourtant écarté de la succession par l’armée, puis progressivement de la scène politique. Il s’exile à Dubaï et Genève.
Pas un “trois quarts de président”
C’est encore l’armée qui l’impose en 1999 comme candidat du pouvoir à la présidentielle, qu’il remporte seul en lice après le retrait de ses six adversaires dénonçant des fraudes.
Sa première priorité : rétablir la paix, alors que l’Algérie est plongée dans la guerre civile depuis 1992 contre la guérilla islamiste (quelque 200.000 morts en dix ans selon un bilan officiel).
Il obtient en septembre 1999 un oui massif au référendum sur la loi amnistiant les islamistes armés qui n’ont pas commis de crimes de sang et de viols et qui acceptent de déposer les armes.
En 2005, un nouveau référendum offre le pardon aux islamistes encore dans le maquis et amnistie aussi les actes des forces de sécurité durant la “décennie noire”.
Accusé par ses détracteurs d‘être une marionnette de l’armée, M. Bouteflika travaille à desserrer l’emprise de la puissante institution sur le pouvoir, promettant qu’il ne sera pas un “trois quarts de président”.
En 2011, alors que le Printemps arabe balaie plusieurs dirigeants de la région, il achète la paix sociale grâce à la manne pétrolière, dont les cours sont au plus haut.
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Santé fragile
En 2013, son hospitalisation durant trois mois à Paris après son AVC aux importantes séquelles, fait naître le doute sur sa capacité à gouverner.
Mais contre toute attente et malgré des oppositions affichées jusqu’au sein de l’appareil sécuritaire, il brigue et conquiert (81,5 % des voix) un 4e mandat en 2014.
Affaibli physiquement, cet homme invariablement vêtu d’un costume trois-pièces-cravate, n’en renforce pas moins ses pouvoirs en dissolvant début 2016 le tout-puissant Département du Renseignement et de la sécurité (DRS, services secrets), après avoir congédié son chef, jadis considéré indéboulonnable, le général Mohamed Médiène, alias “Toufik”.
Mais son 4e mandat se déroule sur fond de dégringolade des prix de l’or noir que l‘économie algérienne, très dépendante des hydrocarbures, subit de plein fouet. Et la longue incertitude autour de sa volonté de briguer un 5e mandat a paralysé le pays.
Pour le politologue Rachid Tlemçani, M. Bouteflika “aurait dû quitter ses fonctions à la fin de son second mandat après avoir réalisé la réconciliation nationale et conquis le cœur d’une grande partie de la population”.
AFP