Le président gabonais Ali Bongo Ondimba, victime d’un AVC fin octobre à Ryad, fête ce samedi ses 60 ans au Maroc où il est en convalescence depuis fin novembre, une absence prolongée qui suscite des interrogations quant à l’avenir du pays.
Ali Bongo a 60 ans, le Gabon s’interroge sur son avenir
Au Gabon, petit pays pétrolier d’Afrique centrale de moins de deux millions d’habitants, rares sont ceux qui depuis plus de trois mois, ne se sont pas posé la sempiternelle question : “comment va Ali?”
Depuis son accident vasculaire cérébral le 24 octobre alors qu’il se trouvait en Arabe saoudite, il n’a fait aucune apparition publique. Quelques photos et vidéos officielles ont tenté de combler le vide, avant que la présidence n’annonce son retour mi-janvier.
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Ce fut un passage-éclair de quelques heures à Libreville, mais personne n’a aperçu Ali Bongo, hormis les membres du nouveau gouvernement qui ont prêté serment devant lui, et quelques personnalités politiques.
Bon gré mal gré, les pro-Bongo ont dégainé un arsenal de formules pour essayer de convaincre le Gabon que son président, au pouvoir depuis 2009 après avoir pris la relève de son père décédé, allait bien.
Mais aucun élément probant n’est venu renforcer ces affirmations : il n’y a eu aucune réaction du président à une tentative de putsch le 7 janvier, et la communication présidentielle, autrefois prolixe, est aujourd’hui mutique.
“Ils travaillent énormément”, veut rassurer un proche du palais présidentiel, qui assure que Bongo “rentrera bientôt”.
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A Libreville, l’absence du président est à peine perceptible. Seul changement notable en ville : les éléments de la Garde républicaine (GR) qui jalonnaient autrefois le bord de mer quand le président le prenait chaque matin pour aller travailler, ont disparu de la circulation.
Les Gabonais, eux, continuent d’essayer de gagner leur pain quotidien dans ce pays autrefois prospère mais au climat économique devenu morose depuis la chute du prix du baril de pétrole en 2014.
“Est-ce un bon signe que rien ne change alors que le président n’est pas là?”, s’interroge un Librevillois.
En coulisses pourtant, l’effervescence est de mise. Les proches d’Ali Bongo se battent pour les nominations aux postes clés et pour renforcer leur emprise sur le pouvoir.
“Nuit des longs couteaux”
Largement décryptée dans la presse locale, la “guerre des clans” entre caciques du système Bongo bat son plein. “Il y a déjà une omerta, il ne faudrait pas que ca devienne une vendetta”, note un ancien ministre.
“Le Gabon se prépare pour sa nuit des longs couteaux”, pense un journaliste gabonais, se faisant le porte-voix de nombreux citoyens inquiets pour leur avenir.
Que va-t-il se passer? Dans les maquis (bars populaires), autour d’une bière, on échafaude tous les scénarios.
Le premier est celui d’un retour triomphal du président désormais sexagénaire et avec lui, le retour à la normalité.
Un autre scénario revient beaucoup : “le Gabon va se boutefliker“, en référence à la présidence quasi-invisible de l’Algérien Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, lui aussi victime d’un AVC en 2013. Il apparaît très rarement en public, toujours en fauteuil roulant.
Enfin, d’autres voient dans cette “guerre des clans” les prémices d’un changement radical. Il y a des “signaux (...) d’un coup en préparation, il faut voir comment ca va se dérouler mais il paraît compliqué” que la situation actuelle “reste en l‘état”, estime l’ancien ministre.
Un ancien Premier ministre, Raymond Ndong Sima, s’interroge également. “Le silence est l’une des règles d’or de l’armée”, a-t-il écrit sur les réseaux sociaux, en insinuant ensuite que des militaires commencent à poser des questions, signe d’une anormalité.
Aux affaires, c’est le directeur de cabinet d’Ali Bongo qui a repris la main : Brice Laccruche Alihanga, 38 ans, est largement considéré comme l’homme fort du moment.
Autre personnalité incontournable, Marie-Madeleine Mborantsuo, présidente de la Cour constitutionnelle depuis près de 30 ans, “la gardienne du temple”, selon l’ancien ministre. Elle a récemment présenté en grande pompe un timbre à son effigie en présence du gouvernement au complet.
On assiste à “une guerre de tranchées, et certains n’en ressortiront pas indemnes”, pense un observateur.
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AFP