La ville d’Alindao, dans le centre de la RCA (République centrafricaine), a été le théâtre de combats à la mi-novembre. Au moins 60 personnes ont été tuées lors de ces violences dignes d’un âge reculé. Retrouvez dans cet article les témoignages sur les massacres d’Alindao, rapportés par des religieux.
Centrafrique : le récit des horreurs qui ont eu cours dans la ville d'Alindao
De retour d’Alindao, le cardinal Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, n’est pas prêt d’oublier ce qu’il y a vu. Au cours d’une conférence de presse qu’il a tenue (en compagnie d’autres dignitaires religieux chrétiens et musulmans) à Bangui la capitale, le religieux a donné des détails saisissants sur l’ampleur des violences qui s’y sont déroulées.
“Je suis allé voir mes frères qui sont morts (à Alindao), on les a brûlé comme des bêtes. On ne faisait que brûler, brûler, incendier. Il y a des enfants, des malades, des morts qui ont été brûlés, calcinés”, a rapporté le cardinal.
Les combats du 15 novembre dernier qui ont mis face à face des groupes armés ont été extrêmement violents. Après les affrontements, “j’ai vu des gens gratter le sol pour ramasser le reste du riz qu’ont avait brûlé. Les gens ont tout perdu”, a ajouté le cardinal Nzapalainga.
“N’avons-nous pas élu nos dirigeants pour nous protéger ? Pourquoi en sommes-nous là ? Qu’avons-nous mérité pour que cela nous arrive ? Voilà des questions que ces gens (d’Alindao) posent. On ne peut pas marcher dans le sang des Centrafricains pour être ministre ou s’enrichir, mais, hélas, c’est ce qui se passe”, s’est-il indigné.
Mgr Nestor-Désiré Nongo Aziagbia, l‘évêque de Bossangoa (ouest), était lui aussi présent à cette conférence de presse. “On est en train de nous pousser vers une guerre de religion.” a-t-il déploré, n’approuvant pas le fait que certains affirment que “l’Eglise protège uniquement les chrétiens contre les musulmans”.
Des Casques bleus accusés de complicité
Les sites des paroisses catholiques “sont considérés comme des repaires des antibalaka (milices d’auto-défense anti-musulmanes) et les prêtres, comme les protecteurs et les fournisseurs en armes des antibalaka”. Cet “amalgame” est vigoureusement rejetté par Mgr Nestor-Désiré Nongo Aziagbia.
La passivité présumée des Casques bleus a été dépeinte par Mgr Nongo Aziagbia. De retour de Batangafo (nord-ouest) où de violents affrontement se sont récemment déroulés, le religieux a rapporté des accusations de passivité, et même, de complicité à l’encontre de certains contingents de le Minusma, la Mission de l’ONU en RCA.
Mgr Nongo Aziagbia : “à Batangafo, pendant qu’on incendiait, pendant qu’on tuait, qu’on volait les biens de la population civile, le contingent pakistanais de la Minusca se contentait seulement de prendre des photos.”
Avant d’ajouter : “le même témoignage nous revient d’Alindao”, où les membres du “contingent mauritanien (...) riaient pendant que les exactions étaient commises”.
C’est en 2013 que la Centrafrique a basculé dans l’horreur, après la chute du très éphémère régime Michel Djotodia. Ce dernier, tombeur de François Bozizé, était à la tête de l’ancienne rébellion Seleka, majoritairement musulmane.
Après le départ en exil de Djotodia, des chrétiens, regroupés au sein de milices plus connues sous le nom d’antibalaka, se sont lancés dans une logique de vengeance contre les musulmans, accusés d’avoir commis de nombreux abus contre les chrétiens durant le bref règne de Micheml Djotodia. Finalement, les combats opposent des groupes armés de tous bords pour le contrôle des richesses naturelles (dont le diamant) dont regorge la Centrafrique.
Depuis, le pays ne parvient pas à retrouver la normalité, malgré la présence des Casques et bleus et plus récemment, celles des troupes françaises de l’Opération Sangaris. Ces dernières ont quitté le pays fin 2016.