Si l’élection présidentielle du 7 novembre prochain est une occasion d’écrire une nouvelle page de leur histoire, les Malgaches sont loin d’oublier les batailles qui sont les leurs : relever l’économie, éradiquer la corruption et assainir l’univers politique. L’enjeu est donc de taille.
Madagascar : une élection, trois éternels défis
C’est la dernière ligne droite. Dans quelque 48 heures, les Malgaches ont rendez-vous avec les urnes. Ce sera le premier tour de la présidentielle prévue le 7 novembre. Les quelque 9,9 millions de citoyens inscrits dans les listes électorales de la Commission électorale vont devoir choisir le futur président parmi les 36 candidats dont 4 citoyens ayant déjà dirigé le pays : Didier Ratsiraka, Andry Rajoelina, Marc Ravalomanana et le président sortant Hery Rajaonarimampianina.
Mais, au pays des lémuriens, ce n’est pas tant la fréquence d’accession au pouvoir qui compte. Avant de glisser le bulletin uninominal dans l’urne, chacun, seul dans l’isoloir, tiendra avant tout compte de l’état actuel de Madagascar.
Un pays aux immenses potentialités touristiques avec des espèces endémiques dont les lémuriens. Un pays au sous-sol riche avec des minerais tels que le cobalt le nickel. Un Madagascar dont le taux de croissance est estimé à 4,2 % en 2018 par des experts.
Malheureusement, comme pour bien d’économies africaines, cette croissance est loin d’être inclusive. Dans un pays où 80 % de la population vit des activités agricoles, le taux de chômage est estimé à plus de 20 % et le salaire minimum fait partie des plus bas d’Afrique. « Je suis institutrice. Mais, mon salaire mensuel n’est que de 15 euros », dénonce une enseignante d’Antananarivo, la capitale.
Une économie à soigner coûte que coûte
Et pour couronner le tout, l’inflation reste élevée. Selon des experts, le taux d’inflation serait de 7,8 %. Et les Malgaches la sentent dans leur vie quotidienne. « Il y a des choses que nous ne pouvons pas nous permettre de faire. Nous devons de plus en plus nous serrer la ceinture. Par exemple, nous avions l’habitude de manger de la viande, au moins une fois par semaine. Mais maintenant, ce n’est qu’une fois toutes les deux semaines. Nous devons ajuster notre niveau de vie et nous priver de beaucoup de choses », déplore Justine Razafindramanitra, une commerçante d’Antananarivo.
C’est dire jusqu’à quel point l’économie malgache est malade. Et ce ne sont pas les facteurs aggravants qui font défaut ici. Parmi eux, les caprices climatiques avec des sécheresses, des cyclones et des inondations.
Mais, il y a aussi et surtout les facteurs humains. Allusion faite à la gouvernance. Une gouvernance souvent mise à rude épreuve par la corruption. Selon Transparency International, le pays occupe cette année la 155e place sur 180 dans l’indice de perception de la corruption établie par l’ONG.
« Le phénomène de la corruption est présent partout donc il n’y a pas de surprise. Il n’y a pas assez d’amélioration au niveau de l’administration publique. Il y a les grands dossiers (NDLR : de corruption) mais aussi la pratique de petite corruption au quotidien dans différents secteurs: la sécurité publique, le foncier, l‘éducation… » , confiait récemment à RFI, Bienvenu Tsivozahy, directeur exécutif de Transparency International Madagascar.
Et comme une épidémie endémique, c’est tout le monde ou presque qui est touché du sommet à la base. Et surtout depuis la tête. « Les trois candidats favoris à la présidentielle sont impliqués, ont été impliqués dans le trafic de bois de rose. Ça a commencé sous Ravalomanana, ça s’est étendu sous Rajoelina, pendant la transition, et ça a continué un temps sous Rajaonarimampianina, à peu près jusqu’en 2014», Ketakandrina Rafitoson, cadre de Transparency Internationale Initiative Madagascar.
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Sans oublier l’abstention
Visiblement peu convaincante, cette gouvernance explique en partie une sorte de crise de confiance entre les Malgaches et leurs dirigeants. « Malgré les richesses que nous avons, le pays manque cruellement de routes. La plupart de ces candidats ne battent campagne que dans de grandes villes, tout simplement parce qu’ils savent qu’ils ne peuvent pas accéder dans les coins enclavés. Comment voulez-vous que je me déplace pour aller voter ? Je peux faire confiance à de nouveaux candidats, mais pas aux anciens chefs d’Etat qui ont déjà montré leurs limites », constate encore Justine Razafindramanitra.
Une crise de confiance qui se traduit souvent dans les urnes. En 2013 par exemple, le taux de participation à l’élection présidentielle dépassait à peine les 50 %. Et selon toute vraisemblance, rien n’indique qu’il y aura une réelle et effective réconciliation du peuple malgache avec sa classe politique.
Bien qu’obéissant au chronogramme constitutionnel, l’élection à venir a été précédée d’une grave crise politique marquée par des manifestations tendues initiées par les opposants pour dénoncer entre autres, la mauvaise gestion de la chose publique et les dysfonctionnements dans le processus électoral.
Autant de défis à relever pour celui qui sera élu lors de ce scrutin dont le deuxième tour est prévu le 19 décembre prochain.
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