Le Parlement éthiopien a entériné vendredi l‘état d’urgence décrété le 16 février par le gouvernement mais le texte a rencontré une forte opposition qui témoigne des dissensions croissantes au sein de la coalition au pouvoir.
Éthiopie : le Parlement entérine l'État d'urgence
L’instauration d’un état d’urgence de six mois et prévoyant notamment l’interdiction de toute manifestation avait été décidé en Conseil des ministres, au lendemain de l’annonce de la démission du Premier ministre, Hailemariam Desalegn.
Le décret, qui a été vivement critiqué par plusieurs alliés de l‘Éthiopie, dont les États-Unis et l’Union européenne, devait être approuvé par les deux tiers des députés pour entrer en vigueur.
Même si le Parlement est entièrement contrôlé par la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), et ses alliés, seulement 346 députés sur 547 ont voté pour l’instauration de l‘état d’urgence. Une centaine n’a pas pris part au vote, 88 ont voté contre et 7 se sont abstenus.
Le précédent état d’urgence décrété en octobre 2016 avait été adopté à l’unanimité par le Parlement, selon l’agence d’État Ethiopian News Agency.
“Avec ce vote, (l‘état d’urgence) est déclaré”, a annoncé le président de la Chambre des représentants du peuple, Abadula Gemeda, qui en fin d’année 2017 avait présenté sa démission pour dénoncer le “manque de respect” accordé à son ethnie, les Oromo, avant de revenir sur sa décision.
Amnesty International a immédiatement dénoncé le vote du Parlement, l’estimant “décevant et irresponsable”, et susceptible de déboucher sur des abus.
“Des aspects de cette nouvelle déclaration sont en contradiction fondamentale avec les principes internationalement établis des droits de l’Homme”, a regretté dans un communiqué Salil Shetty, le secrétaire général d’Amnesty.
Un premier état d’urgence instauré entre octobre 2016 et août 2017 avait ramené, au prix de milliers d’arrestations, un calme relatif dans le pays, confronté à un mouvement de contestation antigouvernementale sans précédent depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuel régime, en 1991.
Le mouvement de protestation avait débuté fin 2015 en région oromo (sud et ouest), la plus importante ethnie du pays, puis s‘était étendu courant 2016 à d’autres régions, dont celle des Amhara (nord).
Sa répression a fait au moins 940 morts, selon la Commission éthiopienne des droits de l’homme, liée au gouvernement.
Ces manifestations étaient avant tout l’expression d’une frustration des Oromo et des Amhara, qui représentent environ 60% de la population, face à ce qu’ils perçoivent comme une sur-représentation de la minorité des Tigréens au sein de l’EPRDF.
Malgré la remise en liberté depuis le début de l’année de milliers de prisonniers, dont des figures de l’opposition et des journalistes, M. Hailemariam, qui reste en poste jusqu‘à ce que son successeur soit désigné, n’a pas résisté à cette crise politique.
Le mécontentement reste cependant de mise parmi les Oromo et les dirigeants de l’Organisation démocratique du Peuple oromo (OPDO), le principal des quatre partis composés sur une base ethnique qui forment l’EPRDF.
Plusieurs parlementaires oromo se sont exprimés en défaveur de l‘état d’urgence, disant craindre qu’il permette à des responsable fédéraux de saisir des terres en région oromo et d’interférer dans le travail de l’administration locale.
L’OPDO, qui a élu à sa tête fin février un nouveau président, Abiy Ahmed, devrait tenter d’imposer ce dernier comme Premier ministre, lors d’une réunion de l’EPRDF attendue prochainement.
AFP