Le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn a affirmé mardi vouloir “réformer le système électoral”, pour répondre aux aspirations démocratiques exprimées dans les récentes et violentes manifestations, mais l’opposition a indiqué ne plus rien attendre de l’actuel régime.
Ethiopie : le Premier ministre veut ''reformer le système électoral''
“Nous voulons réformer le système électoral pour que les voix de ceux qui ne sont pas représentés puissent aussi être entendues au Parlement”, a-t-il assuré lors d’une conférence de presse commune à Addis Abeba avec la chancelière allemande Angela Merkel.
“Notre processus de démocratisation est encore balbutiant. Nous voulons aller plus loin dans l’ouverture de l’espace politique et l’engagement avec la société civile”, a assuré M. Desalegn, qui a décrété dimanche l‘état d’urgence pour une durée de six mois, pour tenter de juguler un violent mouvement de contestation antigouvernementale.
Le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), la coalition au pouvoir depuis 1991, a raflé la totalité des sièges lors des élections de mai 2015, qualifiées de “mascarade” par les partis d’opposition.
Pour la première fois depuis l’arrivée au pouvoir de l’EPRDF, à la chute du régime militaro-marxiste du Derg, le Parlement ne compte aucun député indépendant ou membre de l’opposition.
“A cause de ce système électoral, 51% des voix suffisent à remporter tous les sièges. Nous avons 49% des gens qui ne sont pas représentés au Parlement alors qu’ils ont voté pour l’opposition”, a regretté le Premier ministre éthiopien.
Mais ces déclarations ont été accueillies avec dédain par l’opposition qui, échaudée par des promesses antérieures jamais tenues, a répondu ne plus rien escompter du pouvoir en place.
“C’est beaucoup trop peu, trop tard. Le peuple demande bien plus que ce qui peut être fait lors des quatre prochaines années. Il demande un changement fondamental: un gouvernement transitoire d’unité nationale, qui inclue tous les acteurs”, a déclaré à l’AFP Merera Gudina, président du Congrès du Peuple Oromo.
L’opposition a réclamé depuis des années une ouverture politique, mais le régime “a toujours promis des choses pour satisfaire la communauté internationale, sans jamais les mettre en œuvre”, a ajouté Merera Gudina, qui est aussi vice-président de la coalition d’opposition Medrek.
– Des promesses restées lettre morte – En prenant en 2012 la succession de Meles Zenawi, qui avait dirigé le pays pendant 21 ans, Hailemariam Desalegn s‘était déjà engagé à favoriser une ouverture politique.
Il incarnait alors une nouvelle génération de dirigeants, à l’opposé de la vieille garde originaire du Tigré, formée dans la guérilla contre le régime de “Terreur rouge” dirigé par dictateur Mengistu Haile Mariam (1974-1991).
Mais ses promesses sont restées lettre morte. L’opposition et les organisations de défense des droits de l’homme ont continué à dénoncer le caractère autoritaire du régime, les atteintes à la liberté d’expression et la volonté d‘étouffer toute voix dissidente.
Le régime est cependant confronté à sa plus grave crise en 25 ans, avec ce mouvement contestataire, qui a commencé en région oromo (centre et ouest) en novembre 2015 et s’est étendu depuis l’été à la région amhara (nord).
Ces deux ethnies représentent environ 60% de la population éthiopienne et contestent de plus en plus ouvertement ce qu’ils perçoivent comme une domination sans partage de la minorité des Tigréens, issus du nord du pays.
La répression menée par le gouvernement a fait plus de 500 morts, selon les organisations de défense des droits de l’homme. Les manifestations ont pris un tour plus violent la semaine passée, visant des intérêts étrangers et des bâtiments publics.
“Une démocratie dynamique a besoin d’une opposition et a besoin de médias libres. Les gens veulent exprimer leur point de vue. Ils veulent avoir leur mot à dire”, a déclaré Mme Merkel, lors de cette conférence de presse.
La chancelière allemande, en tournée africaine pour trois jours, a décliné une invitation à s’exprimer devant le Parlement éthiopien pour ne pas donner l’impression de soutenir une chambre monolithique, a indiqué à l’AFP une source diplomatique.
Lors de leur rencontre, les deux chefs de gouvernement ont évoqué une coopération en matière de police.
“J’ai proposé un dialogue par l’intermédiaire de nos ministères de l’Intérieur pour entraîner la police afin que moins de personnes meurent quand il y a de telles émeutes”, a déclaré Mme Merkel.