Trait d'histoire : ce 19 septembre 2002 qui ébranla la paix en Côte d'Ivoire

Si la Côte d’Ivoire est aujourd’hui l’un des pays les plus stables de l’Afrique, elle a tout de même connu une décennie de guerre et d’instabilité politique. Et tout commença le 19 septembre 2002.

Des coups de feu çà et là. Des Ivoiriens qui tombent les uns après les autres sous les balles venant de partout. Ce 19 septembre 2002, le pays des éléphants est vraiment mal en point.

C’est en effet ce jeudi, comme au Congo 5 ans auparavant (jeudi 5 juin 1997) et comme en 1929 aux États-Unis (début de la crise économique jeudi 24 octobre), que tout commence. Notamment par un assaut lancé dans la nuit contre des camps militaires ivoiriens.

Des Abidjanais quittent leurs domiciles pour la campagne

Difficile en cette matinée de savoir qui étaient les assaillants et d’où ils venaient. Mutinerie ? Tentative de coup d‘État ? Invasion de quelque pays limitrophe ? Est-ce les « écervelés » d’Abobo, cette commune du nord d’Abidjan devenue tristement célèbre à tort ou raison en portant le surnom d’Abobo-la guerre ?

De grosses têtes tombent déjà

Faute de réponse précise, c’est la confusion qui commence à régner dans « La patrie de la vraie fraternité ». L’Ivoirien devient un loup pour l’autre. Et sans tarder, de grosses têtes vont commencer à tomber. Le cas du général Robert Gueï.

Soupçonné d‘être conspirateur de cette situation délétère, l’ancien chef d‘état-major général des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) est exécuté dans la foulée. En décembre 1999, Robert Gueï avait déposé Henri Konan Bédié, lui qui suucéda en 1993 au père de l’indépendance Félix Houphouët-Boigny.

Mais, suite à son refus du verdict des urnes lors de la présidentielle de 2000 remportée par le Front populaire Ivoirien (FPI), le général Gueï fut à son tour chassé du pouvoir par une insurrection populaire initiée par Laurent Gbagbo, leader du FPI.

Un autre cadre politique ivoirien est lui aussi emporté par cette crise. Le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation Émile Boga Doudou est également tué. Pourtant, l’avocat était député du FPI pour une circonscription de Lakota au sud-ouest de la Côte d’Ivoire dont il était natif. Des observateurs vont attribuer ces assassinats à des règlements de compte.

Une patrouille de l’armée ivoirienne dans les rues d’Abidjan

Or, ce n’est pas seulement à Abidjan que ça brûle. Dans d’autres villes dont Bouaké et Korhogo au nord, le sang est aussi en train de couler. C’est donc tout l’héritage de Félix Houphouët-Boigny qui se consume dans les flammes attisées par une rébellion qui se revendique indépendante.

Une rébellion qui va désormais dicter sa loi au point de provoquer la division du pays en deux. D’un côté le nord contrôlé par les Forces armées des forces nouvelles (FAFN) de Guillaume Soro et de l’autre, les FANCI appuyées par des mouvements de jeunes « patriotes » dont la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) de Charles Blé Goudé qui contrôlent à peine 40 % du territoire.

Peu importe le camp choisi, l’intervention de la France à travers l’opération Licorne du 43è BIMA, sous  mandat de l’ONU ne parvient pas à mettre fin à la crise. Moins encore l’opération de l’ONU « ONUCI », ni celle des Casques blancs de la CEDEAO.

Patrouille de l’opération Licorne à Abidjan

La détente est perceptible avec l’accord de Marcoussis en France entre les protagonistes. Et, en 2007, le processus de paix s’accélère, grâce à l’accord de paix signé le 4 mars à Ouagadougou. Trois mois plus tard, une cérémonie grandiose consacre la fin officielle de la crise.

Malheureusement, après la présidentielle de décembre 2010, le démon de la violence ressuscite et replonge la Côte d’Ivoire dans la crise. Des affrontements éclatent entre partisans de Laurent Gbagbo et ceux d’Alassane Ouattara.

Une crise pourrait en cacher une autre

Soutenu par la communauté internationale dont la France, Ouattara qui revendiquait la victoire va remporter cette bataille politico-militaire.

Mais, si la Côte d’Ivoire peut se féliciter d’une certaine stabilité, la crise de 2010-2011, conséquence directe ou indirecte de celle de 2002 semble avoir posé plus de problèmes qu’elle n’en a résolus.

Les procès ou les condamnations à l’encontre des partisans de Laurent Gbagbo sont perçus comme des pratiques pouvant compromettre la réconciliation nationale, en dépit des mesures de décrispation comme l’amnestie de l‘épouse de Gbagbo.

À plus forte raison, l’unité est aujourd’hui mise à rude épreuve dans le camp des houphouétistes avec le divorce quasiment déjà consommé entre Ouattara et Bédié.

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