Sierra Leone
Les Sierra-Léonais élisent leur président samedi, le sortant Julius Maada Bio briguant un second mandat dans une période économique éprouvante et face à de violentes campagnes hostiles sur les réseaux sociaux.
Cette présidentielle est la revanche de 2018 entre l'ancien militaire à la retraite de 59 ans et son concurrent technocrate Samura Kamara, 72 ans, chef du Congrès de tout le peuple (APC). M. Bio, candidat du Parti du peuple de la Sierra Leone (SLPP), l'avait emporté au second tour avec 51,8% des voix.
Depuis, M. Bio a eu à gouverner l'un des pays déjà les plus pauvres de la planète, à présent durement touché par les chocs consécutifs de la pandémie de Covid-19 puis de la guerre en Ukraine. L'ancienne colonie britannique peinait déjà à se remettre d'une guerre civile sanglante (1991-2002) et de l'épidémie d'Ebola (2014-2016).
L'inflation et l'exaspération à l'encontre du gouvernement ont provoqué en août 2022 des émeutes qui ont causé la mort de 27 civils et six policiers.
M. Bio a dû naviguer pendant cinq ans entre les écueils, tout en se faisant le champion de l'éducation et des droits des femmes.
Il entend privilégier l'agriculture et réduire la dépendance de son pays aux importations alimentaires au cours d'un second mandat, a-t-il dit à l'AFP.
Son principal adversaire, Samura Kamara, ministre des Finances puis des Affaires étrangères avant l'avènement de M. Bio en 2018, compte restaurer la confiance dans les institutions économiques nationales et attirer les investisseurs étrangers, a-t-il déclaré à l'AFP.
Un candidat doit recueillir 55% des votes valables pour être élu au premier tour. Environ 3,4 millions de personnes sont appelées à choisir entre 13 candidats. Les bureaux ouvriront à 7H00 (locales et GMT) et fermeront à 17H00.
Les Sierra-Léonais éliront au même moment leur Parlement et les conseils locaux. Un tiers des candidats devront être des femmes, en vertu d'une nouvelle loi.
Un sondage de l'Institut pour la réforme de la gouvernance (IGR) prédisait en juin 56% des voix à M. Bio, 43% à M. Kamara.
"Une étincelle"
La cherté de la vie est la préoccupation commune à une très grande majorité de Sierra-Léonais. Les prix de produits de base comme le riz sont montés en flèche. L'inflation était en mars de 41,5% sur un an.
"Les gens ont beaucoup de mal ne serait-ce qu'à se payer trois repas par jour. Les prix augmentent tous les jours", dit un jeune homme de 19 ans du bidonville de Cockle Bay, à Freetown, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat comme de nombreux compatriotes dans le contexte électoral.
"En plus, le gouvernement viole nos droits fondamentaux, à commencer par la liberté d'expression", dit-il.
Après des décennies de troubles, de coups d'Etat et de régimes autoritaires, la Sierra Leone élit son président depuis la fin des années 1990.
M. Bio lui-même fut membre d'un groupe d'officiers qui prit le pouvoir par la force en 1992 et leader en 1996 d'un nouveau putsch à l'issue duquel il organisa des élections libres avant de partir pour les Etats-Unis.
Les défenseurs des droits dénoncent la persistance de graves abus, y compris de la part du gouvernement ou au nom du gouvernement. L'ouverture en février d'un procès pour corruption contre Samura Kamara juste après sa désignation comme candidat de l'APC a soulevé des questions.
La maire sortante de la capitale, membre populaire de l'APC et candidate à sa réélection, a elle aussi eu maille à partir avec la justice.
Les analystes soulignent cependant qu'une grande partie des Sierra-Léonais devraient se déterminer bien plus en fonction des appartenances régionales que du prix des denrées ou du respect des droits, et feront le calcul que l'argent et le travail iront aux régions dont les représentants seront associés au vainqueur de la présidentielle.
Le risque de violence est l'une des inconnues, bien que la campagne ait été plus calme que les fois précédentes à Freetown. Le SLPP et l'APC se sont accusés mutuellement d'agressions.
Macksood Gibril Sesay, ancien membre de la commission électorale, se dit inquiet du fait qu'après les émeutes d'août 2022, il n'y ait "pas eu de processus de guérison". "Tout le monde sait bien que les élections sont une période où il suffit d'une étincelle pour qu'il y ait le chaos partout", dit-il.
La désinformation, elle, abonde de part et d'autre et les réseaux sociaux devraient exercer une influence qu'ils n'ont encore jamais eue.
Environ trois millions de personnes ont désormais accès à internet, alors qu'elles n'étaient que 370.000 en 2018, indique le ministre de l'Information Mohamed Rahman Swaray.
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