À l’Institut Ahmed Baba de Tombouctou, le personnel photographie et numérise avec soin des manuscrits anciens, certains âgés de plusieurs siècles. Ces textes uniques, couvrant la médecine, l’astronomie, la justice et les chroniques historiques, avaient été évacués vers Bamako en 2012 pour échapper à l’occupation de groupes armés liés à Al-Qaïda. La majorité d’entre eux ont depuis été rapatriés et numérisés.
Mali : des manuscrits anciens retrouvent leur place à Tombouctou
« Ces manuscrits renferment des informations historiques introuvables ailleurs, qu’il s’agisse du Macina, de Mopti ou de Tombouctou elle-même », souligne le Dr Mohamed Diagayaté, directeur général de l’Institut Ahmed Baba.
Dans les salles d’exposition comme dans les chambres fortes, les ouvrages reposent ouverts sur des tables, certains avec leurs bords carbonisés, d’autres absents, signalés par des étiquettes qui rappellent les pertes encore non élucidées.
Médecine, justice, astronomie, correspondances, chroniques impériales… Les manuscrits de Tombouctou composent une mosaïque de savoirs. On y lit des débats doctrinaux sur la moralité du tabac, des exhortations à limiter la dot pour favoriser les mariages des plus pauvres, ou des notes en marge décrivant tremblements de terre et événements locaux oubliés de tous.
Pour Sane Chirfi Alpha, fondateur de l’association SAVAMA-DCI, ce corpus bouleverse la vision souvent réductrice du passé sahélien : « Certains textes relatent l’existence ici de médecins capables d’opérations de la cataracte. Un manuscrit raconte même qu’un médecin de Tombouctou aurait sauvé le trône de France, après que les médecins français eurent échoué à soigner le prince héritier. »
Une partie des manuscrits demeure toutefois dans des bibliothèques familiales, conservée dans des coffres traditionnels. Confrontées à des difficultés financières et privées de tout soutien, certaines familles pourraient être tentées de vendre ces documents précieux, mettant en péril la préservation du patrimoine.
L’Institut Ahmed Baba continue de cataloguer, restaurer et former une nouvelle génération de spécialistes. Les étudiants consultent les textes numérisés pour apprendre l’histoire, la médecine et les sciences traditionnelles. Cependant, la sécurité reste un obstacle majeur : la présence de groupes armés dans le nord du Mali dissuade encore certains chercheurs de se rendre à Tombouctou.