Cabral Libii : "Le pouvoir au Cameroun se maintient parce qu'il tronque les résultats" [Interview]

Cabral Libii   -  
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Africanews propose une série d'interviews des prétendants à la présidentielle au Cameroun. Dans ce troisième entretien, le candidat du PCRN, Cabral Libii, dit son ras-le-bol du système en place et égrène des mesures pour la jeunesse.

Cabral Libii, vous êtes le président du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN). Votre candidature a été officialisée au terme d'un bras de fer avec certains membres de votre parti. Quand on regarde votre parcours, on comprend que vous voulez incarner une nouvelle génération qui se pose en rupture avec la politique telle qu'elle avait été pratiquée par les aînés jusqu'à présent. Qu'est-ce qui vous rend apte à diriger dès maintenant ?

Trois choses. La première : c'est le travail de terrain. Nous sommes entrés en politique en 2017 et faisions office de jeunots à l'époque. Bien que notre résultat à l'issue de l'élection présidentielle 2018 ait été prometteur, nous étions conscients du retard qui était le nôtre. En tout cas de l'écart qui nous séparait de nos devanciers dans le champ politique. Nous nous sommes mis au travail. Pendant ces sept ans, nous avons travaillé à implanter le parti.

La deuxième chose : c'est le travail que nous avons abattu à l'Assemblée nationale. Nous avons été élus en 2020 et avons placé notre mandat sous le signe de l'épuisement au travail. Nous avons su adresser les problèmes des Camerounais et apporter des solutions aux problèmes des Camerounais, bien que nous ne soyons que cinq sur 180 députés.

Et puis la troisième chose : nous avons une offre politique claire. Nous avons publié deux ouvrages sur ces cinq ans ; en 2021, notre offre idéologique intitulée le "Fédéralisme communautaire", et il y a un an le "Manifeste de la rupture et du progrès", un ouvrage de près de 400 pages, que d'aucuns trouvent d'ailleurs exagérément détaillé. Nous avons voulu montrer aux compatriotes que nous allons en profondeur et que nous nous inscrivons sur la durée.

De ce que vous avez observé, quels sont les principaux échecs que vous attribueriez au gouvernement en place ?

On est gouvernés depuis 43 ans par le même système, et les résultats sont là : la gabegie, les scandales financiers, les infrastructures routières complètement bousillées, l'énergie qui n'existe pas, l'économie au ralenti et le chômage galopant. Donc, ils sont à bout de souffle. Ils ne peuvent plus et le peuple a besoin d'autre chose.

Nous nous intéressons à un projet pour notre pays. Nous pensons que le Cameroun a un potentiel incroyable.

On ne peut pas manquer d'énergie dans un pays qui a un potentiel hydroélectrique de 23 000 mégawatts, le deuxième en Afrique après la RDC, et le 18e dans le monde. On ne peut pas se permettre de manquer d'eau potable dans un pays qui a un potentiel de 21 000 m3 par habitant par an, alors que la moyenne mondiale est de 7 500 m3 par habitant par an. Ce n'est juste pas possible.

Notre pays est encore un réservoir de matières premières pour des puissances mondiales, mais il y en a marre. On ne peut pas continuer comme ça !

Le fédéralisme est un mot qui revient souvent de votre part. Mutualiser er fédéraliser. Ne craignez pas une opposition dispersée ou éparpillée face à Paul Biya ?

Le fédéralisme résonne de façon particulière dans mon esprit parce que ça rentre dans notre projet politique. Nous proposons le fédéralisme des communautés parce que nous sommes un pays de diversité. On parle souvent du Cameroun en termes d'Afrique miniature.

La mutualisation des forces politiques est un cri qui revient beaucoup de la base. Mais je veux donner deux éléments qui sont fondamentaux. Le premier est statistico-historique, c'est-à-dire que la première élection présidentielle a eu lieu au Cameroun en 1992. Et de 1992 à maintenant, c’est la sixième présidentielle à laquelle nous y allons.

A l'issue de chacune de ces élections, les trois premiers ont toujours emporté plus de 95 % des suffrages. Cela veut dire que l'électeur camerounais est rationnel, et que la multiplicité des candidatures n'a vraiment jamais provoqué l'émiettement des voix.

L'électeur camerounais sait distinguer le candidat sérieux de celui qui ne l'est pas. Du coup, cette analyse devrait nous amener à nuancer le narratif autour de la coalition. Ce n'est pas tant la coalition autour des individus qui importe, mais la coalition autour de la surveillance du vote.

Le pouvoir en place au Cameroun se maintient davantage parce qu'il tronque les résultats, par la sophistication de la fraude.

Votre projet de société s'articule autour de 11 axes que vous avez présentés dans ce « Manifeste de la rupture et du progrès ». Pouvez-vous nous en dire plus et partager votre vision pour moderniser l'économie et répondre aussi aux attentes de cette jeunesse camerounaise qui représente plus de 50 % de la population ?

Notre vision pour le Cameroun se résume à une phrase : le Cameroun qui protège et qui libère les énergies !

L'économie tient aux multiplicateurs industriels. Il faut que nous nous industrialisions. Il faut libérer les énergies de l'agriculture. Il faut que nous arrêtions d'importer ce que nous mangeons.

Il y a plein de jeunes dont les cerveaux fourmillent d'idées novatrices. Il leur faut des start-ups, des PME et des financements. Ce pourquoi nous proposons la création de ce que nous appelons la B2I, la Banque de l'investissement et de l'innovation, qui sera au service de la jeunesse. Il faut que nous passions vers la pluri-nationalité. Nos compatriotes sont un vecteur économique et de puissance à l’étranger.

Le jour où ça va changer au Cameroun, et je suis convaincu que ce sera le 12 octobre 2025 à notre faveur, vous verrez que le Cameroun, dans les dix, 20 ans qui viennent, on parlera de lui comme un miracle économique.

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