Des centaines de Tunisiens ont manifesté vendredi dans la capitale, marquant la fête de la République, mais aussi les quatre ans jour pour jour depuis que le président Kaïs Saïed a suspendu le Parlement et commencé à gouverner par décret.
Tunisie : la répression politique dénoncée dans les rues de la capitale
L’événement, que beaucoup avaient perçu en 2021 comme une tentative de réforme politique, est désormais vu comme le point de bascule vers une concentration autoritaire du pouvoir.
Dans le centre de Tunis, les slogans ont résonné : « Liberté pour tous les prisonniers politiques ! », « Non à l’absolutisme ! », « Pouvoir au peuple ! ». Les manifestants brandissaient les portraits de détenus politiques, dont Rached Ghannouchi, leader du parti Ennahda, mais aussi de figures de tous bords politiques.
Au cœur du rassemblement, Saida Akremi, épouse de Noureddine Bhiri, ancien ministre et avocat emprisonné, a lancé :
« Ce jour est un coup d'État contre la Constitution et les institutions de l'État, contre tout ce que le peuple tunisien a construit. Je suis ici pour réclamer la libération des prisonniers politiques, la libération de tous les détenus, avocats, juges et citoyens honorables qui remplissent les prisons. »
Le symbole de la cage, installé sur l’avenue Bourguiba, représentait les libertés étouffées selon les manifestants. À l’intérieur, un homme brandissait le portrait d’Abdelhamid Jelassi, ancien militant aujourd’hui détenu, avec ces mots : « De la Tunisie à la Palestine, liberté. »
Samir Dilou, membre du Front de salut national et ancien ministre, a dénoncé un pouvoir qu’il juge personnel et sans contrepoids :
« Le 25 juillet devait être le jour de la fête nationale, mais c'est devenu un jour d'oppression. La révolution a été écrasée et tous les pouvoirs ont été saisis par un seul homme, quelles que soient ses capacités. Le pouvoir absolu corrompt absolument. »
Plusieurs figures féminines de l’opposition sont également derrière les barreaux. Hafsia Bourguiba, militante engagée, a rappelé la répression qui frappe durement les femmes en politique :
« Presque toute la classe politique est derrière les barreaux. Parmi les femmes emprisonnées figurent Abir Moussi, Sonia Dahmani, Sherifa Riyahi, Saida Mosbah, Souar Berkaoui et la journaliste Chadi Al-Haj Mubarak. Plus de 15 femmes sont en prison, ce que nous n'aurions jamais imaginé voir : des femmes tunisiennes libres enfermées. »
Cette mobilisation survient dans un contexte de crise économique et d’impopularité croissante du chef de l’État. Le dernier rapport d’Amnesty International alerte sur la recrudescence des arrestations politiques, le musellement de la presse et l’usage de lois floues pour faire taire la dissidence.