De plus en plus d’Afro-Américains font le choix de quitter les États-Unis pour s’installer durablement sur le continent africain. Le Kenya, notamment sa capitale Nairobi, s’affirme comme une destination privilégiée pour cette nouvelle vague de migration volontaire, souvent qualifiée de « retour aux racines ».
Le Kenya, nouvelle terre d’accueil pour les expatriés afro-américains
Auston Holleman, un Youtubeur américain, a parcouru plusieurs pays pendant près d’une décennie avant de poser ses valises au Kenya, il y a neuf mois. Pour lui, le contraste avec les États-Unis est frappant. « J'ai choisi le Kenya parce que je m'y sens en sécurité. Les gens me ressemblent, ou plutôt, ils me ressemblent beaucoup. Ce n'est pas comme aller en Europe ou dans certains pays d'Amérique latine où il n'y a pas beaucoup de Noirs. Je pense que Dieu veut que je sois ici, je me sens chez moi, je m'intègre bien ici », témoigne-t-il.
Ce sentiment d’appartenance et de sécurité perçue revient chez de nombreux expatriés afro-américains qui se sentent marginalisés dans leur pays d’origine, où les tensions sociales et raciales persistent.
Parmi les figures de cette dynamique, Adilah Muhammad, fondatrice d’Adilah Relocation Services, accompagne depuis plusieurs années les nouveaux arrivants dans leurs démarches : logement, santé, ouverture de comptes bancaires. Pour elle, ce phénomène est bien plus qu’une tendance. « Pour moi, c'est un mouvement. Ce sont des gens qui décident de faire un choix pour eux-mêmes, ils ne sont pas forcés, leurs chaînes sont brisées, ils se libèrent mentalement. Quand ils disent qu'ils rentrent chez eux, ils choisissent d'être libres, et c'est une liberté mentale. Mais l'Afrique ne doit pas être le seul choix possible. Nous sommes partout sur cette Terre, nous sommes le peuple originel, donc nous pouvons choisir le pays que nous voulons et dire que nous rentrons chez nous. »
Des entreprises tenues par des Afro-Américains se multiplient à Nairobi, allant des agences de voyage aux établissements de restauration ou encore des fermes. La croissance de cette communauté génère des opportunités locales et favorise les échanges économiques et culturels.
Un enjeu pour les deux continents
Raphael Obonyo, expert en politiques publiques à ONU-Habitat, alerte sur l’impact de ce phénomène pour les États-Unis. « D'une certaine manière, l'Amérique perd des talents, elle perd des ressources, elle perd le discours selon lequel l'Amérique est le pays des rêves, un endroit viable pour tout le monde, où les opportunités abondent, où règne la cohésion sociale et la stabilité. Cette migration inverse entame ce discours, et l'Amérique risque donc de perdre, notamment en raison de la fuite des cerveaux. »
Mais pour que ce mouvement s’inscrive dans la durée, les pays africains devront offrir une stabilité politique, un climat d’investissement favorable et une gouvernance transparente. Le Kenya, en se positionnant comme un carrefour d’accueil pour cette diaspora, semble pour l’instant répondre à ces attentes.