La Cour suprême des États-Unis autorise l'expulsion de migrants vers des pays tiers

Le président Donald Trump, et le colonel de l'armée de l'air Angela F. Ochoa, mardi 24 juin 2025, à la base conjointe d'Andrews, dans le Maryland   -  
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AP Photo/Alex Brandon

Le 23 juin 2025, la Cour suprême américaine a rendu une décision autorisant temporairement l’expulsion de migrants en situation irrégulière vers des pays dont ils ne sont pas originaires. Cette mesure, impulsée par l’administration Trump, relance une politique migratoire controversée, en dépit des risques pour les droits fondamentaux des personnes concernées.

Dans une ordonnance rendue en urgence, sans motivation écrite, la Cour suprême des États-Unis, à majorité conservatrice, a validé la reprise des expulsions vers des pays tiers. Ce type de renvoi concerne des migrants en situation irrégulière qui ne peuvent être renvoyés vers leur pays d’origine, souvent en raison d’obstacles diplomatiques ou de risques de persécution. La décision intervient après la suspension de cette pratique par un tribunal fédéral, qui jugeait que les personnes visées devaient bénéficier d’un délai pour contester leur expulsion.

L’affaire à l’origine de cette décision concerne huit hommes condamnés pour des faits de violence aux États-Unis. Parmi eux, un seul est originaire du Soudan du Sud, pays vers lequel ils devaient être expulsés. Les autres sont ressortissants de Cuba, du Mexique, du Vietnam, du Laos et de Birmanie. Leur expulsion ayant été interrompue, ils se trouvent actuellement à Djibouti, sur une base militaire américaine, où ils sont hébergés dans des conteneurs aménagés.

Le juge fédéral Brian Murphy, à l’origine de la suspension de ces expulsions, avait exigé que les migrants disposent d’un délai minimum de quinze jours pour contester leur renvoi, notamment s’ils encourent des risques de torture ou de traitement inhumain dans le pays de destination. La Cour suprême a toutefois levé cette restriction, permettant à l’administration d’exécuter les renvois sans délai.

Les destinations visées par cette politique suscitent de vives inquiétudes. Le Soudan du Sud est marqué par une instabilité chronique, une guerre civile persistante, et des atteintes graves aux droits humains. Plus de 130 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays en 2025, et environ 57 % de la population souffre d’insécurité alimentaire. La Libye, également ciblée par ces expulsions, est dépourvue de gouvernement central stable depuis 2011 et reste sous l’influence de milices armées. Des rapports des Nations unies documentent des cas de détention arbitraire, de torture et d’exploitation de migrants.

Dans une opinion dissidente, la juge progressiste Sonia Sotomayor a dénoncé une « conduite illégale flagrante » de la part de l’exécutif, soulignant que cette décision expose « des milliers de personnes au risque de torture ou de mort ». Elle déplore également que l’administration puisse ainsi ignorer les obligations constitutionnelles et internationales en matière de protection des droits fondamentaux.

Par ailleurs, plusieurs éléments laissent penser que ces expulsions pourraient être liées à des intérêts économiques ou géopolitiques. Des documents judiciaires mentionnent des négociations avec la Libye et le Soudan du Sud, dans lesquelles les États-Unis offriraient des compensations financières en échange de l’accueil des personnes expulsées. Le secrétaire d’État Marco Rubio a même évoqué l’impact de cette politique sur un projet commercial stratégique en Libye, pays aux importantes réserves pétrolières.

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