Le journaliste marocain Taoufik Bouachrine, incarcéré depuis 2018, subit des "mauvais traitements" de la part de l'administration pénitentiaire, a affirmé jeudi sa famille qui s'inquiète de la détérioration de son état de santé et appelle à "intervenir d'urgence" .
Maroc : un journaliste incarcéré se dit "victime de persécutions"
M. Bouachrine, 54 ans, fondateur et éditorialiste du quotidien Akhbar Al Yaoum , souffre de diabète et est la cible de "persécutions" et de "mauvais traitements infligés par l'établissement pénitentiaire à son encontre", a affirmé son épouse Asmae Moussaoui dans un message adressé à l'AFP.
En raison de complications liées à son diabète, il "souffre depuis trois ans de douleurs terribles dans son épaule (...) et le médecin traitant de la prison lui a conseillé de poursuivre les soins dans un hôpital situé à l'extérieur de la prison" , explique-t-elle.
L'établissement pénitentiaire a accepté qu'il poursuive ce traitement en dehors de la prison "mais à condition qu'il soit menotté et porte l'uniforme des criminels, ce qui a été refusé par le journaliste, y voyant une atteinte à sa dignité et à son humanité" , détaille Mme Moussaoui.
Dans un autre communiqué publié sur sa page Facebook, l'épouse du journaliste appelle "à intervenir d'urgence par tous les moyens possible pour lui porter secours" .
Sollicitée par l'AFP, l'administration pénitentiaire (DGAPR) n'a pas immédiatement réagi, mais dans une "mise au point" publiée le week-end dernier elle avait assuré que "le détenu T.B (...) bénéficie des soins de santé nécessaires aussi bien au sein de l'établissement pénitentiaire que dans les hôpitaux extérieurs" .
Taoufik Bouachrine a été condamné à 15 ans de prison pour "viol" , "traite des êtres humains" et "agressions sexuelles" à l'encontre de plusieurs femmes. Il a nié ces accusations.
Face aux critiques, les autorités marocaines répondent que M. Bouachrine a été jugé dans le cadre d'une affaire de droit commun qui n'a aucun lien avec sa liberté d'expression , en mettant en avant "l'indépendance de la justice" .
L'ONG Amnesty International a récemment accusé l'administration pénitentiaire de "priver du droit de lire et d'écrire" des défenseurs des droits humains et des journalistes emprisonnés, dont M. Bouachrine, Omar Radi et Soulaimane Raissouni . Des accusations récusées par l'administration pénitentiaire.
Dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières (RSF) pour l'année 2023, le Maroc a glissé à la 144e place (-9).
Une récente résolution du Parlement européen s'inquiétant de la dégradation de la liberté de la presse au Maroc a déclenché les foudres de la classe politique et des médias marocains.
La justice marocaine a par ailleurs rejeté jeudi le pourvoi en cassation de l'opposant Mohamed Ziane , ex-ministre des droits de l'Homme, selon son avocat.
Avocat célèbre, ayant notamment défendu Taoufik Bouachrine, M. Ziane a été arrêté et incarcéré le 21 novembre dernier après avoir été condamné en appel à trois ans de prison ferme.
Agé de 80 ans, il était poursuivi, en vertu d'une plainte du ministère de l'Intérieur, pour 11 chefs d'accusation, dont "outrage à des fonctionnaires publics et à la justice" , "injure contre un corps constitué" , "diffamation" , "adultère" ou encore "harcèlement sexuel" .
L'ancien bâtonnier de Rabat, qui n'a pas ménagé ses critiques envers le pouvoir ces dernières années, affirme avoir été jugé "à cause de ses opinions" .
Dans un rapport publié en juillet 2022, l'ONG Human Rights Watch (HRW) a dénoncé au Maroc l'utilisation de procès pour des crimes de droit commun, en particulier sexuels, comme "techniques de répression" visant à faire taire des journalistes et des opposants.