RDC : survivre sous la terreur de la Codeco

Un soldat de la MONUSCO tire sur des miliciens de la Codeco, le 19 décembre 2021   -  
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"Run! Run! Run!" hurle le capitaine Miraj. Le Casque bleu bangladais démarre à la première rafale d’arme automatique et entraîne avec lui des membres de la Croix-Rouge locale venus enterrer des corps qui pourrissent depuis trois semaines dans le village de Dhedja, après une attaque de miliciens aux confins nord-est de la République démocratique du Congo (RDC).

Depuis deux ans, dans les collines de la province de l’ Ituri , des milliers d’hommes armés lancent des assauts sur des villages, des camps de déplacés et des positions militaires au nom de la Coopérative pour le développement du Congo (Codeco). Ce groupe armé structuré autour d’une secte religieuse prétend défendre la tribu Lendu face à l’armée et à la tribu Hema .

Abandonnant leurs pelles derrière eux, la vingtaine de secouristes de la Croix-Rouge détalent au milieu des champs et des maisons carbonisées. C’est la panique. La petite équipe se recroqueville derrière un mur pendant que les Casques bleus vident à l'aveugle des chargeurs d’ AK-47 dans les hautes herbes qui les entourent.

Augmentation des attaques

Dans le village, les blindés des Nations unies sont également pris pour cible. Ils ouvrent le feu pour se frayer un chemin jusqu’au petit groupe. Après 20 minutes de tirs, le silence. On se compte dans les rangs de la Croix-Rouge et de la mission de l'ONU en RDC ( Monusco ). Personne ne manque. Personne n’est blessé. En reprenant la route, un Casque bleu entonne une prière, le visage trempé de sueur.

Depuis octobre, l’ampleur et la fréquence des attaques de la Codeco ont augmenté dans le territoire de Djugu, bordé à l’est par le lac Albert et l’Ouganda. Dans les dix derniers jours de novembre, au moins 82 personnes ont été tuées, selon les chercheurs du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST), présents dans les zones de conflits dans l’est du Congo.

"A nous l'école"

De retour de Dhedja , les blindés de l'ONU font une halte à Drodro . Du camp de déplacés qui accueillait 16 000 personnes il y a encore un mois, au pied de la paroisse catholique, il ne reste que des ruines. Le 21 novembre, des miliciens incendiaient les cases et les abris et tuaient 26 personnes. Aujourd’hui, des dizaines de corbeaux, quelques femmes et de jeunes enfants fouillent les décombres à la recherche de quoi manger ou de matériaux à récupérer.

Un enfant s’extrait d’entre les ruines, un cahier à la main. A l’encre bleue sur la couverture est écrit "A nous l’école !" . Mais plus aucune école n’est ouverte par ici. L’hôpital, soutenu par Médecins sans frontières (MSF) , est lui aussi fermé depuis l’attaque. "Même la paroisse et les ONG sont des déplacés !" , s’exclame un notable, croisé sur la route de terre qui mène, 10 km à l’est, à la colline de Rhoo, terminus du convoi des Casques bleus.

"Attendre la mort"

Sur les flancs de cette butte, à 2 000 m d’altitude, des abris de branches et de bâches s’imbriquent anarchiquement sur 20 hectares autour de la base des Nations unies. "La zone est totalement enclavée" , s’alarme Audrey Rivière, coordinatrice pour l’Ituri de l’ONG Action contre la faim , arrivée à Rhoo par hélicoptère, comme les rares humanitaires présents. "Il y a moins de 3 m2 par personne. Les gens ici manquent de tout : d’eau, de nourriture, d’endroits où faire leurs besoins" .

Constant Ngaz, un commerçant, est résigné. "Malgré les risques, nous sommes obligés de sortir du camp pour chercher à manger, mais il n’y a pas la sécurité. A Rhoo, les gens n’attendent plus que la mort ". Ces deux dernières semaines, au moins trois déplacés ont été tués à proximité du camp alors qu’ils partaient aux champs ou chercher de l’eau.

Racket aux check-points

Les premiers camions apportant l’aide du Programme alimentaire mondial (PAM) ont pu atteindre Rhoo lundi par la route. Trois jours plus tôt, un camionneur déclarait avoir "été racketté par les Codeco" pour passer leurs check-points. Depuis vendredi, au moins quatre personnes ont été tuées sur cette route menant à Bunia , la capitale provinciale.

Le soleil a disparu sur la colline. Les secouristes de la Croix-Rouge rejoignent leurs abris. Un peu plus loin, noyées dans la fumée de feux de bois, des dizaines de personnes dont des enfants s’entassent en plein air par petites grappes pour se protéger du froid et trouver désespérément le sommeil, en priant qu’il ne pleuve pas.

Après des années de guerre, l’ Ituri a connu un calme relatif pendant près de 20 ans. Fin 2017, les violences ont repris, sporadiques d'abord puis de plus grande ampleur en 2019, avec des factions communautaires structurées et bien armées.

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