La défense du Franco-Rwandais Claude Muhayimana, contre qui 15 ans de réclusion criminelle ont été requis mercredi à Paris pour complicité de génocide, a dénoncé le "caractère politique" d'un procès constituant, selon elle, un "enjeu majeur" pour le régime de Kigali.
France : 15 ans requis contre un Rwandais pour complicité de génocide
"La justice relative au génocide est un enjeu politique majeur pour ceux qui gouvernent aujourd'hui au Rwanda" , a lancé Me Françoise Mathe , visant le régime du président Paul Kagamé , qui dirigea la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), au pouvoir depuis la fin du génocide en juillet 1994.
"L'entretien méticuleux de la culpabilité collective internationale" vis-à-vis du génocide est "le gage de survie de Kigali" , a-t-elle asséné. "Ce que l'on attend à Kigali, c'est la mise en récit d'une histoire officielle, et celui qui n'accepte pas cette mise en récit, qui s'éloigne de cette doxa, est traité de négationniste" , a-t-elle dit.
Complicité de génocide
Claude Muhayimana , 60 ans, ancien chauffeur d'hôtel à Kibuye (ouest du Rwanda), est jugé depuis le 22 novembre devant les assises de Paris pour complicité de génocide , accusé d'avoir transporté des tueurs sur des lieux de massacre de Tutsi .
"Je n'ai pas entendu la vérité, et je pense que vous aurez beaucoup de mal à la trouver, sur ce qui s'est passé à Kibuye entre avril et juillet 1994, sur le rôle de Claude Muhayimana, sur sa responsabilité" , a lancé Me Mathe aux jurés.
"Dire qu'un homme a commis le crime des crimes entre le 7 avril et la fin juin 1994 sans essayer de fixer le moindre repère temporel - on le met dans plusieurs endroits le même jour à la même heure... J'ai tendance à penser qu'on est parfois plus prudent avec des braqueurs !" , a poursuivi l'avocate. "Je cherche toujours la preuve dans ce dossier" , a-t-elle dit.
"Rouage indispensable"
Des dizaines de témoins , parmi lesquels des rescapés ainsi que des génocidaires condamnés et détenus au Rwanda , ont été entendus pendant le procès. Nombre d'entre eux ont dit avoir vu l'accusé transporter des miliciens hutu Interahamwe et des gendarmes chantant "exterminons-les !" et brandissant leurs machettes.
Le génocide des Tutsi du Rwanda, orchestré par le régime hutu , a fait plus de 800 000 morts entre avril et juillet 1994. Quinze ans de réclusion ont été requis mercredi matin contre Claude Muhayimana, cantonnier à Rouen (nord-ouest), qui comparaît libre.
L'accusation a estimé qu'il était "un maillon" , un "rouage indispensable" qui ne "pouvait ignorer" les objectifs funestes des miliciens qu'il transportait. Le verdict est attendu jeudi.