Le Premier ministre français Jean Castex, accompagné de plusieurs membres du gouvernement, s'est employé jeudi à resserrer les liens historiques avec la Tunisie lors d'une visite dans un pays secoué par des crises multiples et mis à genoux par l'épidémie de coronavirus.
Tunisie : Jean Castex resserre les liens avec un "partenaire malade"
Arrivée mercredi soir à Tunis, la délégation française a cependant été immédiatement rattrapée par l'actualité en France puisque la panne massive des numéros d'urgence a contraint le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le secrétaire d'Etat au Numérique Cédric O à rentrer dans la nuit, juste après un dîner avec le chef du gouvernement tunisien Hichem Mechichi.
Un impondérable qui a modifié à la marge le programme de la journée de jeudi, articulée autour de la tenue du 3e "Haut conseil de coopération" (HCC) franco-tunisien, qui suit ceux de 2017 et 2019.
Ce rendez-vous intervient dans un contexte tendu par les crises structurelles traversées par la Tunisie à tous les plans - politique, social, économique, migratoire - et encore aggravées par l'épidémie.
- Aide sanitaire -
Or, "si la Tunisie est confrontée à des problèmes, cela a des conséquences pour son partenaire et ami français", a souligné jeudi matin devant la presse M. Castex, en mettant en avant les liens privilégiés entre les deux pays, la France étant par exemple le premier partenaire commercial de Tunis.
Dans ce cadre, et alors qu'un rebond de l'épidémie de Covid-19 a récemment suscité des craintes de pénurie d'oxygène en Tunisie, le gouvernement français est venu les bras chargés de trois générateurs d'oxygène pour les hôpitaux de Sidi Bouzid, Sfax et Tataouine, 18 respirateurs de réanimation, mais aussi 38.000 tests antigéniques ou encore 240.000 masques FFP2. Un bateau doit également acheminer sous huitaine plus de 4,5 millions de masques FFP2, a précisé Matignon.
L'urgence pour le pays se situe également sur le plan économique: lourdement endettée, souffrant d'un modèle de développement à bout de souffle basé sur une main d'oeuvre bon marché, la Tunisie espère du Fonds monétaire international (FMI) un nouveau prêt sur trois ans en contrepartie de promesses de réformes.
Si une rencontre sur le thème du numérique et quelques signatures d'accords sont prévues jeudi --notamment 40 millions d'euros de crédits pour l'Office de la Marine marchande et des ponts (OMMP) et autant pour un "programme permettant d’accroître la résilience aux catastrophes naturelles"-- la France s'est surtout engagée il y a un an à prêter 350 millions d'euros pour appuyer la transformation du pays jusqu'en 2022.
Pour l'heure, 100 millions d'euros ont été versés et la France attend surtout la mise en oeuvre effective des réformes promises pour poursuivre les décaissements.
Car la situation politique interne génère d'importants blocages, en raison notamment du bras de fer opposant le président Kaïs Saïed, un universitaire indépendant, et le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, principale force d'un Parlement morcelé.
"Les Français n'arrivent pas à travailler avec la Tunisie à cause de l'inefficacité totale du système", explique auprès de l'AFP l'essayiste Hakim El Karoui, auteur en mai d'une note pour l'Institut Montaigne sur la stabilité du Maghreb.
- "Rechercher un nouvel élan" -
"Les autorités françaises disent: +Qu'ils nous aident à les aider+. C'est très compliqué de mobiliser les administrations", ajoute-t-il, alors que plusieurs projets soutenus par la France restent dans les limbes.
"Nous devons donc aussi, avec nos partenaires tunisiens, essayer de rechercher un nouvel élan, dans le respect de leur pleine et entière souveraineté", appuie Jean Castex en insistant sur la nécessité de trouver un cadre politique apaisé.
Corollaires de ces turbulences, les questions migratoires et de sécurité devaient aussi s'inviter dans les échanges avec MM. Saïed et Mechichi, sachant qu'à l'heure actuelle, 15% des migrants arrivant par la mer en Europe sont de nationalité tunisienne, constituant le plus gros contingent.
Au coeur des discussions les plus sensibles, et avant une visite au musée du Bardo théâtre d'un attentat en 2015 (22 morts, dont 21 touristes étrangers), le retour en Tunisie d'une poignée d'invididus sur quelques dizaines fichés en France pour radicalisation.
Il faut "améliorer le dispositif existant pour le rendre plus efficace et effectif", a reconnu, sybillin, M. Castex jeudi, alors que les négociations patinent.