Le Tchad a accusé l'armée centrafricaine d'avoir tué dimanche six de ses soldats, dont cinq "enlevés et ensuite exécutés" , dans l'attaque d'un poste frontalier en territoire tchadien, dénonçant un "crime de guerre" qu'il ne laissera "pas impuni" .
Tensions entre le Tchad et la Centrafrique après la mort de six soldats
La Centrafrique, elle, assure que son armée poursuivait "à la frontière" des éléments d'une coalition rebelle qui tentait depuis décembre de renverser le pouvoir avant d'être repoussée et presque défaite grâce à l'intervention massive de paramilitaires russes.
Ces affrontements risquent d'attiser les tensions entre les dirigeants des deux pays, confronté l'un à une rébellion et l'autre à des questions sur sa légitimité. Une junte militaire dirigée par un fils du président tchadien Idriss Déby Itno lui a en effet succédé après qu'il a été tué au front en avril en menant lui-même une offensive contre des rebelles venus de Libye, selon N'Djamena.
Bangui a tenté rapidement d'apaiser son voisin du Nord en déplorant des "morts" dans les deux armées au cours "d'échanges de tirs (...) à la frontière" et proposant une "enquête conjointe" au Tchad, qualifié de "pays frère". Mais elle n'a pas évoqué une quelconque "exécution" de soldats, ni pour l'admettre ni pour la nier.
Dans un communiqué, Bangui a également accusé les "rebelles" centrafricains, que son armée "poursuivait" à ce moment-là, d'être responsables des événements.
L'armée centrafricaine a "attaqué dimanche matin le poste avancé de Sourou, en territoire tchadien (...) tué un soldat tchadien, en a blessé cinq et cinq autres ont été enlevés pour être ensuite exécutés à Mbang, du côté centrafricain", affirme lundi le ministre tchadien des Affaires étrangères, Chérif Mahamat Zene, dans un communiqué.
Crime de guerre
Ce "crime de guerre d'une gravité extrême et cette attaque meurtrière préméditée, planifiée et opérée à l'intérieur du Tchad (...) ne sauraient rester impunis", écrit M. Mahamat Zene.
"Le Tchad prend à témoin la communauté internationale, notamment la Minusca (la Mission de maintien de la paix de l'ONU en Centrafrique, 12.000 Casques bleus) et l'Union africaine (UA) (...) de cette grave agression dont il est la cible", ajoute-t-il.
Côté centrafricain, des sources onusiennes, sous couvert de l'anonymat, ont confirmé des affrontements dimanche sur le marché de Mini, une localité tchadienne près de la frontière.
Ces affrontements ont opposé des militaires centrafricains appuyés par leurs alliés paramilitaires russes d'un côté à des rebelles centrafricains ainsi que des soldats tchadiens de l'autre. Au moins un soldat tchadien a péri et cinq ont été capturés, selon ces mêmes sources qui font état de victimes des deux côtés.
Les soldats centrafricains poursuivaient au-delà de leur frontière des combattants des 3R (Retour, Réclamation et Réhabilitation) ou de l'Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC), selon deux hauts responsables des services de sécurité tchadiens, qui ont requis l'anonymat.
Les 3R et l'UPC, majoritairement composés de Peuls, sont deux des plus puissants groupes armés qui contrôlaient deux tiers de la Centrafrique avant de lancer en décembre, à la tête d'une coalition, une offensive contre le président Faustin Archange Touadéra.
La région où se sont déroulés les affrontements de dimanche, aux confins du Tchad, de la Centrafrique et du Cameroun, est une zone de transhumance et un bastion des 3R côté centrafricain, mais ces derniers se sont dispersés dans les campagnes face à l'offensive des forces soutenant le régime et certains se sont réfugiés vers la frontière tchadienne, selon des sources sécuritaires à Bangui.
Échec des rebelles
La rébellion centrafricaine a échoué à renverser le président Touadéra, réélu le 27 décembre, et elle a été vaincue ou repoussée hors des agglomérations dans l'essentiel du pays, notamment grâce à l'intervention massive de centaines de paramilitaires russes du groupe de sécurité privée Wagner, dépêchés par Moscou.
De son côté, le Tchad, dont l'armée est considérée comme la plus puissante de la région, fait figure de pays clé dans la guerre contre les jihadistes au Sahel, aux côtés notamment de la France.
La junte ayant succédé à Idriss Déby, qui dirigeait le Tchad d'une main de fer depuis 30 ans, a immédiatement dissous le gouvernement et le Parlement, abrogé la Constitution, tout en promettant des élections "libres et démocratiques" au terme d'une période de transition de 18 mois.
La communauté internationale, la France en tête, s'est largement abstenue de condamner ce que l'opposition a dénoncé comme un "coup d'Etat" mené par le fils du défunt maréchal, le général Mahamat Idriss Déby, autoproclamé "président de la République" à la tête d'un Conseil militaire de transition (CMT).
Sous la pression internationale, il a toutefois nommé un gouvernement civil mais le CMT conserve l'essentiel du pouvoir exécutif.