Au moins 33 soldats maliens ont été tués lundi dans le Nord-Est, près des frontières du Burkina Faso et du Niger, dans l'attaque la plus meurtrière attribuée à des djihadistes contre les forces maliennes cette année, selon un bilan de l'armée.
Au moins 33 soldats maliens tués dans la zone des trois frontières
Cette zone dite "des trois frontières" , où de telles attaques passaient pour s'être relativement espacées ces derniers mois sous l'effet d'opérations intensifiées des armées française et nationales contre les djihadistes , aura donc connu deux bains de sang le même jour, l'un au Mali et l'autre à une centaine de kilomètres au sud, au Niger .
Côté nigérien, 58 personnes ont été tuées lundi dans l'Ouest du pays, selon le gouvernement, dans des attaques contre des civils de retour du marché et contre un village. Si le bilan nigérien était connu mardi soir, c'est mercredi dans la journée, deux jours après les faits, qu'il s'est considérablement alourdi côté malien. Lundi soir, il était encore de deux morts , sans qu'apparaissent les raisons de ces lenteurs à remonter l'information d'une région certes éloignée de presque tout.
Mercredi midi, l'état-major faisait état sur les réseaux sociaux de 33 morts et 14 blessés dans les rangs de l'armée qui a déjà vu des centaines de ses hommes mourir de la sorte ces dernières années.
La relève du poste de Tessit, au sud-ouest d'Ansongo, est tombée dans une embuscade tendue par une centaine d'hommes à bord de pick-ups et sur des motos, selon un récit fait par l'armée sur les réseaux sociaux. Quelque 20 djihadistes ont été retrouvés morts sur le terrain, a dit l'état-major.
L'opération n'a pas été revendiquée. Mais elle serait le fait du groupe d'Abdul Hakim , affilié à l'Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), dont les trois frontières sont le champ d'action privilégié, dit une source proche du dossier. Cela n'exclut pas la présence des ennemis du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, ou Jnim en arabe), alliance djihadiste affiliée, elle, à Al-Qaïda.
Zone des trois frontières
Depuis 2012 et le déclenchement de rébellions indépendantiste puis djihadiste dans le Nord, le Mali est plongé dans une tourmente multiforme qui a fait des milliers de morts, civils et combattants, et des centaines de milliers de déplacés, malgré le soutien de la communauté internationale et l'intervention de forces de l'ONU, africaines et françaises. La crise s'est propagée depuis au Burkina Faso et au Niger .
Le bain de sang de lundi réveille le souvenir des terribles coups essuyés fin 2019 et début 2020 par les forces maliennes, mais aussi nigériennes et burkinabé dans la même zone, essentiellement dans des attaques djihadistes contre des camps isolés. Les opérations avaient quasiment toutes été revendiquées par l'EIGS. Ces revers avaient poussé l'armée malienne à se replier et se regrouper sur des places plus fortes. Ils avaient conduit au sursaut annoncé en janvier 2020 lors d'un sommet franco-sahélien dans le Sud-Ouest de la France.
Les trois frontières ont fait depuis lors l'objet d'un important effort militaire de la force française Barkhane et de ses partenaires sahéliens, spécialement dirigé contre l'EIGS. Barkhane a encore mené mardi deux frappes aériennes contre des djihadistes repérés à moto dans le secteur de Tessit, "neutralisant" une dizaine d'individus, a indiqué à l'AFP le porte-parole de l'état-major français, le colonel Frédéric Barbry. La veille, en revanche, les djihadistes auteurs de l'attaque contre la relève malienne de Tessit s'étaient déjà dispersés quand les moyens français sont arrivés.
La France revendique d'avoir considérablement affaibli l'EIGS ces derniers mois, tout en frappant aussi durement Al-Qaïda et ses affiliés. La région des trois frontières a été le théâtre ces derniers mois de nombreux combats entre les affiliés de l'Etat islamique et d'Al-Qaïda . "Depuis un an, le contrôle de la zone de Tessit change de mains en fonction des affrontements que se livrent l'EIGS et le JNIM. Le JNIM s'est récemment retiré du sud de Tessit, laissant le champ libre à l'EIGS" , dit Matthieu Pellerin, chercheur au centre de réflexion International Crisis Group (ICG).