Candidat malheureux à la récente présidentielle burundaise, Agathon Rwasa a déposé jeudi un recours à la cour constitutionnelle pour que l’institution reconnaisse les « irrégularités » relevées par l’opposant. Mais pour quel résultat ?
Contentieux électoral au Burundi : quelle surprise réserve la cour constitutionnelle ?
« Nous venons de déposer notre dossier de recours à la Cour constitutionnelle », a déclaré Agathon Rwasa, chef du Conseil national pour la liberté (CNL), à la sortie jeudi de la cour constitutionnelle, affirmant avoir « produit des preuves qu’il y a eu une fraude massive ». Charles Ndagijimana, président de la cour constitutionnelle et ses collaborateurs, disposent de huit jours pour confirmer ou infirmer ces allégations. Et partant remettre en cause ou valider les données de la commission électorale qui a déclaré le général Évariste Ndayishimiye vainqueur avec 68,72 % des voix, très loin devant M. Rwasa (24,19 %).
Si aucune mission d’observation étrangère n’avait été accréditée par le gouvernement, Agathon Rwasa est conforté par les rapports fournis par de nombreux journalistes locaux. Et surtout l‘Église catholique qui avait déployé 2 716 observateurs le jour du scrutin. Lesquels ont eux aussi relevé « beaucoup d’irrégularités quant à la liberté et la transparence du processus électoral ».
L‘Église catholique a dénoncé entre autres « la contrainte exercée sur certains mandataires à signer d’avance le dépouillement du contenu des urnes, le bourrage de certaines urnes, le vote à la place de défunts et de réfugiés, les procurations multiples et donc invalides, le fait qu’il y ait eu dans certains bureaux de vote des électeurs qui ont voté plus d’une fois ».
Mais que peut espérer M. Rwasa ? Une question fondamentale qui fuse des lèvres de bon nombre d’observateurs alors que Charles Ndagijimana est souvent présenté comme un ancien Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti au pouvoir (CNDD-FDD), accusée d‘être utilisée depuis 2015 par le régime pour réprimer l’opposition.
Charles Ndagijimana dans l’histoire ?
Rwasa semble être conscient du biais de la justice burundaise. Avant même le verdict de la cour constitutionnelle, il a promis de recourir à la Cour de justice de l’Afrique de l’Est (EACJ) si son recours était rejeté.
Reste que la justice nationale a souvent créé la surprise ces derniers temps à travers le continent. Et le juge Charles Ndagijimana le sait. L’un des derniers exemples en date est la décision de magistrats malawite d’annuler la présidentielle de mai 2019 après examen des requêtes pertinentes de l’opposition. Sauf aléa lié par exemple au coronavirus, la présidentielle de ce pays d’Afrique australe sera reprise le 2 juillet prochain.
La justice burundaise peut aussi s’inspirer du gros coup politico-judiciaire marqué en 2017 par David Maraga au Kenya lorsqu’il a décidé d’invalider, en tant que président de la cour suprême, les résultats de la présidentielle suite à un recours de l’opposant Raila Odinga.
Un Maraga qui avait réussi une entrée triomphale dans l’histoire en faisant la différence dans un continent qui, d’après des observateurs, est resté victime depuis les indépendances, d’hommes forts. Alors que, comme proposait l’ancien président américain Barack Obama, l’Afrique a beaucoup plus besoin d’institutions fortes si elle veut aller de l’avant.
Et qui dit que Charles Ndagijimana ne nourrit pas lui aussi l’ambition de prendre de court le monde entier comme Pierre Nkurunziza a renoncé à la quasi-surprise générale, à la présidentielle ?