Face à la crise sanitaire, les initiatives solidaires se multiplient au Moyen-Orient

Alors que la crise sanitaire du Covid-19 continue d’impacter le monde entier, Inspire Middle East met en lumière la solidarité au Moyen Orient et en Afrique du Nord. Aux Emirats Arabes Unis, en Egypte et au Liban, nos reporters ont observé comment les communautés se rassemblent, pour porter un message d’espoir et d’optimisme.

Des millions de repas gratuits aux Emirats Arabes Unis

Pour les résidents émiratis qui souhaitent aider les personnes dans le besoin, la solution est à portée de clic. Volunteers.ae est la plus grande plateforme nationale de volontariat, dont l’objectif est d‘élargir la communauté des bénévoles du pays.

Des dizaines de milliers de personnes, de 126 nationalités différentes, ont offert leurs services, en ligne et sur le terrain – qu’ils soient médecins, psychothérapeutes ou même coachs personnels.

Le projet de la fondation Mohammed bin Rashid Al Maktoum Global Initiatives, appelé 10 millions meals (10 millions de repas), a pour objectif de fournir des denrées alimentaires essentielles aux personnes les plus vulnérables, notamment les travailleurs manuels.

10 millions meals a été lancé en liaison avec un autre projet caritatif, intitulé _The world talest donnation boxe (La boîte à dons la plus haute du monde) _. Moyennant la somme de 3 dollars, les donateurs ont pu éclairer la façade du gratte-ciel Burj Khalifa, à Dubaï. Cette initiative a ainsi permis de fournir 1,2 million de repas aux personnes affectées par la pandémie.

Sara Al Nuaimi, directrice de la fondation Mohammed bin Rashid Al Maktoum Global Initiatives, ne s’attendait pas à ce que le projet 10 millions meals rencontre un tel succès : “Nous avons atteint les dix millions de repas en une semaine, ce qui est incroyable. Cela montre vraiment la gentillesse et la générosité des habitants des Émirats Arabes Unis. Nous ciblons tous ceux qui ont été touchés par l‘épidémie de COVID-19 dans le pays, et nous nous assurons de prendre en considération tous les groupes ethniques et tous les âges.”

La fondation a également reçu de nombreux dons en nature, dont certains sont pour le moins étonnants : “Une personne nous a donné un million de bananes , une autre, un million de pommes. Et beaucoup d’autres choses. Même les propriétaires de fermes ont donné des dattes, des fruits et certaines de leurs récoltes pour cette campagne”, détaille Sara Al Nuaimi.

Pour s’assurer que les enfants ne soient pas laissés de côté, le ministère de l’Education et l’organisation caritative Dubai Cares ont uni leurs forces pour lancer l’initiative #EducationUninterrupted. Les écoles ayant fermé, les élèves doivent suivre un enseignement à distance. Mais de nombreuses familles à faibles revenus ne disposent pas des outils nécessaires. L’initiative a donc pour mission de distribuer à ces élèves des ordinateurs, offerts par des résidents des Émirats Arabes Unis grâce à leurs dons.

“Nous nous sommes dit : pourquoi ne pas jouer un rôle ?”, raconte le PDG de Dubai Cares, le Dr. Tariq Al Gurg. “Nous soutenons les initiatives du gouvernement de fournir des ordinateurs portables à ces enfants, mais en prenant en compte tous les enfants émiratis issus de familles à faibles revenus et qui fréquentent les écoles publiques, les écoles caritatives et les écoles privées destinés aux familles à faibles revenus. Et cela pour tous les enfants, de toutes les nationalités, dans les sept émirats de la fédération. Et c’est très simple, c’est la collectivité elle-même qui donne ces ordinateurs portables.”

D’après Tariq Al Gurg, de nombreux résidents des Emirats Arabes Unis se sont investis dans cette initiative, peu importe leur nationalité. “Nous avons pris contact avec plusieurs plateformes numériques qui nous offrent des services gratuits. Tout le monde s’est montré solidaire dans cette campagne, quand nous avons fait savoir que des enfants avaient dû interrompre leur scolarité car ils n’avaient pas d’ordinateurs portables. Nous avons donc fait participer de nombreux membres de la collectivité. Je m’adresse aux sept émirats. La campagne est en cours et nous espérons que davantage de personnes encore s’impliqueront.”

C’est le message primordial des autorités fédérales, qui exhortent les habitants des Émirats Arabes Unis à puiser dans leurs ressources et à offrir de leur temps, pour prendre soin de la collectivité.

En Egypte, le “défi de la gentillesse”

Un simple acte de gentillesse peut faire beaucoup. C’est ce qu’ont voulu prouver plusieurs campagnes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, qui tentent de contrer l’impact de la pandémie de COVID-19.

Le footballeur égyptien Saad Samir du Al Ahly Sporting Club s’est engagé, via Instagram, à fournir de la nourriture et un abri aux personnes touchées par la mise en quarantaine du pays, mais aussi par les récentes tempêtes et inondations.

“Nous allons commencer par 20 familles, et je défie Waleed Suleiman et Sharif Kurami”, explique le footballeur dans la publication Instagram ci-dessous.

Il a ainsi lancé le “défi de la gentillesse” sur les réseaux sociaux, en incitant ses coéquipiers à participer. Traduisant ces promesses en acte, l’organisation caritative Resala a livré jusqu‘à présent près de huit millions de colis alimentaires.

“C’était vraiment un grand mouvement en Egypte, que toutes ces célébrités et ces joueurs de football s’engagent ensemble dans une si belle initiative, le “Resala Tahadi el Kheir”, pour venir en aide aux plus démunis en cette crise du coronavirus”, s’enthousiasme Riham Maheisen, porte-parole de l’organisation Resala.

Selon Resala, depuis mars plus de 50 footballeurs et autres célébrités ont fait équipe pour aider à récolter près de 450 000 dollars.

Les bougies soufflent l’espoir sur le monde arabe

Toutefois, il n’est pas forcément nécessaire que les dons soient financiers pour changer des vies, comme l’affirme la campagne “La bougie de l’espoir”. Cette initiative pan-arabe invite les gens à “répandre l’espoir” et l’optimisme en allumant une bougie numérique via une application.

Selon son fondateur, l’argent gagné par l’application grâce aux publicités est ensuite utilisé pour aider les personnes dans le besoin. Selon l’auteur et influenceur Chaker Khazaal, en sortant des sentiers battus, les individus peuvent soutenir leur communauté de différentes manières, et pas seulement financièrement.

“J’ai vu une initiative que j’ai beaucoup appréciée : des gens ont soutenu leurs entreprises locales en ouvrant leur compte Instagram, pour pouvoir publier des annonces gratuites pendant un mois, explique Chaker Khazaal. C’est un acte de gentillesse. C’est grâce à cela que j’ai pu connaître une entreprise. Alors, soyons créatifs, soyons innovants, repensons l’engagement communautaire”.

Des dizaines de milliers de personnes de toute la région ont allumé leur bougie en signe de solidarité. Le mouvement s’est enflammé lorsque la chanteuse et actrice libanaise Haifa Wehbe a pris part au mouvement, et a allumé sa bougie sur un panneau d’affichage du Times Square à New York.

Au total, plus de 250 célébrités arabes ont rejoint le mouvement, dont l’actrice égyptienne Nelly Karim, qui croit au cercle vertueux de la gentillesse : “Si un million de personnes sont sensibilisées, c’est bien. Ensuite, ce sont 2 millions de personnes, puis 5 millions, et ça continue sans s’arrêter … Ces actes de gentillesse, qui commencent par des petits riens, continuent de grandir, et c’est ce qui est formidable.”

Alors que la flamme de la campagne continue de briller, elle entend mettre en lumière ceux qui font de bonnes actions pendant la pandémie en utilisant les diverses plateformes médiatiques, et encourager ainsi chaque communautés à se soutenir les unes et les autres.

Face à la crise sanitaire et économique, l‘élan de solidarité des Libanais

Depuis deux mois, Zeina, qui vit à Beyrouth, doit lutter pour s’en sortir. Avec la récente hausse des prix, sans revenu ni soutien du gouvernement, acheter de quoi manger tous les jours relève du défi.

“Les factures augmentent, tout devient plus cher. Je suis si triste et désespérée que je n’arrive plus à dormir”, raconte Zeina, mère au foyer.

Son vrai nom n’est pas Zeina – nous l’avons changé à la demande de l’organisation qui lui vient en aide, car cette situation fait encore aujourd’hui l’objet de nombreux préjugés. Elle fait partie des milliers de Libanais qui doivent lutter pour leur survie. Depuis qu’une crise économique a frappé le pays à la fin de l’année dernière, la situation est devenue de plus en plus périlleuse.

Plus de 45 % des Libanais vivent aujourd’hui dans la pauvreté, selon la Banque mondiale, et l’on estime que ce chiffre pourrait atteindre 75 % d’ici la fin de la pandémie.

C’est pourquoi les communautés libanaises se regroupent pour former des réseaux d’entraide. Jessica Azar, l’une des volontaires, ne voit pas cela comme de la charité : “Nous travaillons ensemble, en essayant de surmonter cette situation en faisant le moins de dégâts possible”

Jessica fait partie d’un groupe de volontaires de l’initiative “Lebanon of Tomorrow”. Une idée de l’entrepreneur local Tareck Karam, qui a vu les niveaux de pauvreté augmenter fortement à Beyrouth. Il a alors rassemblé des jeunes de tout le Liban, indépendamment de leur religion ou de leur milieu social.

L’initiative ne distribue pas uniquement de la nourriture. “Lebanon of Tomorrow” utilise les réseaux sociaux pour offrir des fournitures médicales essentielles, et ainsi, aider les hôpitaux qui sont en première ligne de l‘épidémie de coronavirus. Après avoir parlé à des médecins locaux, Tareck a collecté des fonds pour faire don d’un appareil de réanimation cardio-pulmonaire, et ainsi réduire les contacts physiques avec les patients.

“Attraper le virus, c’est quelque chose de vraiment effrayant en ce moment, raconte Tareck Karam. C’est pourquoi les gens s’abstiennent d’aller aux urgences autant qu’ils le peuvent, mais dans les cas d’accident cardiovasculaire, c’est inévitable. Cette machine permet de réduire le personnel travaillant sur chaque cas de 11 à 1. Notre deuxième action sera de proposer gratuitement des tests COVID pour les personnes âgées.”

Les personnes âgées sont l’un des groupes les plus vulnérables, non seulement au Covid-19, mais aussi au risque de pauvreté. Une autre initiative locale, Beit el Baraka, se concentre donc sur leur situation.

Sa fondatrice, Maya Ibrahimchah, veut combler le vide laissé par l‘État, qui n’apporte que peu de soutien. Beit el Baraka gère un supermarché gratuit où les personnes âgées peuvent choisir les produits dont elles ont le plus besoin tout en conservant leur indépendance.

“Le gouvernement ne fait rien pour nous. Ici, ils prennent soin de tous ceux qui viennent, pas seulement moi, tout le monde”, témoigne l’une des bénéficiaires du supermarché, Kohari Kamamiam.

L’initiative aide également à payer le loyer et les factures pour éviter que les retraités ne se retrouvent à la rue. Elle organise aussi des activités sociales pour lutter contre la solitude et encourager l’exercice physique. “Les gens qui rejoignent Beit el Baraka ne sont pas seulement là pour bénéficier de la nourriture ou des soins de santé, ils sont aussi là pour faire partie du maillage social que nous tissons autour de toutes ces collectivités, afin qu’elles s’entraident”, estime Maya Ibrahimchah.

En attendant que l’économie ne montre des signes de reprise, il appartiendra aux initiatives comme celle-ci d’inciter les Libanais à se soutenir mutuellement et à travailler ensemble pour un avenir meilleur.
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