Pertinentes ou non, les mesures mises en œuvre pour barrer la route au nouveau coronavirus pourraient avoir d’importantes conséquences politiques en Afrique. Quelques-unes.
Coronavirus en Afrique : quand la politique s'en mêlera
Opération de charme ? Humanisme ? Difficile de définir l’obligation faite lundi aux ministres et hauts fonctionnaires rwandais de se priver de leur salaire du mois d’avril. Toutefois, pour Kigali qui compte 104 cas de COVID-19, il est question de témoigner de la « solidarité » des autorités avec le peuple pour « contenir la pandémie de COVID-19 », selon les propos d‘Édouard Ngirente, Premier ministre.
Cerise sur le gâteau, le gouvernement rwandais qui a décrété le confinement depuis le 21 mars dernier, a distribué des vivres et d’autres produits de première nécessité à quelque 20 000 personnes vulnérables. L’Ouganda voisin a lui aussi procédé à la distribution des vivres aux populations.
Quant au Congo-Brazzaville, en attendant la fin de « la réflexion sur les mesures d’accompagnement », le Parti congolais du travail (PCT, au pouvoir) a récemment remis un chèque de 50 millions de francs CFA (environ 77000 euros) au gouvernement pour abonder le Fonds national de solidarité créé par le président Sassou-Nguesso pour faire face au coronavirus.
Au Malawi, le président Peter Mutharika, avait auparavant annoncé la réduction de son salaire ainsi que des membres du gouvernement de 10 %. Dans le même sillage, le numéro 1 malawite avait décreté une « baisse des prix des carburants pour faciliter les déplacements vers les centres de dépistage et le recrutement par le ministère de la Santé de 2 000 agents supplémentaires », selon l’AFP.
Alors que dans de nombreux pays ça coince déjà quant à l’application des décisions inhérentes à la lutte contre le nouveau coronavirus, des observateurs sont de plus en plus nombreux à émettre des réserves quant à la pertinence des stratégies de lutte contre le COVID-19 en Afrique.
Allô Etoudi, qu’en dites-vous ?
Au Cameroun, des observateurs ont des oreilles tendues vers Paul Biya qui, contrairement à ses homologues dont Denis Sassou-Nguesso, Macky Sall, Patrice Talon, Cyril Ramaphosa et Félix Tshisekedi, ne s’est pas encore exprimé sur la question, excepté un tweet où le locataire d’Etoudi invitait ses compatriotes « à respecter scrupuleusement les prescriptions du gouvernement et de l’OMS ».
Un silence qui passe mal pour Maurice Kamto, une des grandes figures de l’oppoistion camerounaise. « Dans le contexte actuel d’un grave danger pour la nation, son silence n’est pas seulement irresponsable, il devient criminel », dénonçait le 28 mars dernier, celui qui a occupé la deuxième place lors de la présidentielle d’octobre 2018.
Même si le camp présidentiel a réagi en arguant que les 13 mesures prises par le gouvernement étaient la preuve que Paul Biya était en action face au nouveau coronavirus, des interrogations ne cessent de pleuvoir, surtout du côté de la diaspora camerounaise qui a même insinué que Paul Biya serait décédé.
Des réactions qui, à l‘évidence, résonnent comme un avant-goût des paramètres dont tiendront compte des populations pour évaluer la pertinence des politiques de lutte contre le COVID-19 en Afrique. Surtout lors des élections à venir.
Si au Rwanda, la prochaine présidentielle à laquelle Paul Kagame n’entend pas se présenter est prévue en 2024, la décision semble avoir fait gagner des points politiques de plus à l’homme fort de Kigali, bien que considéré par des ONG comme un des grands dévoreurs des droits de l’homme en Afrique.
« Voilà un président qui agit non pas parce que le peuple a dit, mais parce qu’il a jugé bon et important d’agir… On peut tout dire sur toi, mais tu restes l’un des meilleurs présidents africains », a réagi sur un internaute.
« Bel argumentaire électoral ? »
Au Malawi par contre, suite à l’annulation de la présidentielle de mai dernier, le peuple devrait se rendre aux urnes le 2 juillet prochain pour choisir le successeur de Peter Mutharika, candidat. En cas de réussite face à la pandémie, il sera selon toute vraisemblance difficile pour M. Mutharika de ne pas bâtir son argumentaire électoral en tenant compte de sa gestion du coronavirus.
La stratégie pourrait être la même pour des pays comme le Congo, le Gabon et le Tchad qui ont rendez-vous avec les urnes en 2021.
Ainsi, de la même manière que la stabilité et la paix sont devenues des surenchères pour justifier la longévité de certains dirigeants, le nouveau coronavirus, malgré ses dégâts humains et économiques, pourrait ne pas déroger à ce contexte.
Mais, à l’instar de la crise de 1929 qui a contribué à l’ascension des leaders fascistes, cette pandémie de COVID-19 pourrait également favoriser la montée en puissance de nouveaux régimes aux gouvernances aussi bien imprévisibles que pernicieuses.
Là, est en tout cas, l’incroyable surprise que pourrait réserver aux Africains, la pandémie qui a déjà fait plus de 75.000 morts dans le monde dont quelque 700 dans le continent, selon le dernier comptage de l’AFP.
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