Le saxophoniste et compositeur camerounais Manu Dibango est mort des suites du nouveau coronavirus à 86 ans. Il aura marqué toute une génération. Nous revenons sur sa carrière en cinq points.
5 choses à savoir sur Manu Dibango, Monsieur Soul Makossa
1. Une carrière aussi riche que variée
Journaliste, anthropologue, philosophe, musicien Manu Dibango avait toutes ces casquettes. Qu’aurait été la Word music sans Manu Dibango a-t-on envie de s’interroger ? Personnalité connue et reconnue du paysage culturel, guidé par son éclectisme, son nomadisme musical et ses inspirations, il reste l’une des personnalités les plus marquantes de ces 60 dernières années, père de la world music et premier disque d’or d’un artiste africain aux États-Unis avec “Soul Makossa”.
Dans les années 60, il officie au sein de dans l’African Jazz l’un des premiers groupes professionnels de l’ancien Congo belge, actuellement République démocratique du Congo fondé par Joseph Kabasele Tshamala, connu sous le nom du Grand Kalle. Le groupe est connu pour avoir produit Indépendance Cha Cha, premier tube continental de l’histoire de la musique africaine francophone. Avec une production régulière, Manu Dibango a produit pas moins de 44 albums en six décennies.
2. Plusieurs récompenses pour son oeuvre
Celui qui est considéré par beaucoup comme le précurseur de la musique africaine “moderne” a reçu en mars 1986 la médaille des Arts et des Lettres par le ministre de la Culture français, Jack Lang. Cette distinction apporte une contribution flatteuse à l‘édifice de sa carrière.
En 1993, il est récompensé par la Victoire du meilleur album de musique de variétés instrumentales de l’année 1992 (France) pour le deuxième volume des “Négropolitaines”.
En mai 2004, Manu Dibango est nommé Artiste de l’Unesco pour la paix. Honoré en février 2017 d’un Lifetime Award pour l’ensemble de sa carrière qui lui est remis à la cérémonie des Afrima (All Africa Music Awards) organisée au Nigeria, Manu Dibango participe peu après au festival international de jazz du Cap en Afrique du Sud où il collabore avec le saxophoniste mozambicain Moreira Chonguica.
3. 1972 : “Soul Makossa”, la chanson culte
À l’occasion de la huitième coupe d’Afrique des Nations qui se déroule à Yaoundé au Cameroun en 1972, Manu Dibango compose un hymne dont la face B du 45 tours n’est autre que le plus gros tube africain de tous les temps, “Soul Makossa”.
Dans un premier temps, personne ne semble apprécier ce morceau à Yaoundé comme à Paris. Quelques Américains en visite chez le producteur de l’album embarquent l’album “O boso” et réussissent à le passer sur les radios. Il est même classé dans certains charts américains.
Le titre sera ensuite un succès et sera par la suite plagié par Michael Jackson. S’en suivra une tournée d’un mois dans le pays de l’Oncle Sam dont dix jours de représentation au célèbre Appollo d’Harlem. En 1973, la notoriété du musicien grandit et son succès, énorme. Les noirs américains voient là l’expression de leur terre originelle. 1973 est aussi l’année du passage à l’Olympia, la mythique célèbre salle de spectacle parisienne.
4. Aussi un homme de médias
Dans les années 70 le grand Manu, comme on l’appelle fut le fondateur, à la fin des années 1970, du premier magazine dédié à la musique africaine, « Afro-Music ».
Chaque Dimanche, depuis 20 ans, il anime « La Maraboutique » sur radio Africa radio. Co-animé avec Robert Brazza, on y fait pendant deux heures, une sorte d’épopée de 50 ans de musique africaine, des artistes du passé et actuels. La dernière émission datait du 15 mars dernier et faisait un retour nostalgique sur la carrière du chanteur camerounais Dina Bell.
5. L’héritage de Manu Dibango
Cet artiste de talent laisse incontestablement un héritage. L’auteur des « Soul Makossa » ou encore a signé quelques-unes des plus belles chansons de la musique africaine dont “WakafriKa” en 1992, “Négropolitaines” dont le deuxième volume lui vaut une Victoire de la musique, “Lamastabastani” en 1996 et “Kamer feeling” en 2001.
Manu Dibango a aussi ouvert la voie aux musiciens africains. Dirigée, par une passion qui ne l’a jamais quitté, il a montré qu’à force de conviction, de travail, et de foi, on pouvait se frayer un chemin dans un univers qu’on croyait inaccessible. Il a contribué à décomplexer les africains afin qu’ils aient leur place dans le concert des nations. On n’oubliera pas aussi son sample de saxophone légendaire.