Des organisations de défense des droits humains ont appelé mercredi les autorités soudanaises à remettre immédiatement Omar el-Béchir à la Cour pénale internationale (CPI), après que Khartoum eut annoncé la veille sa volonté de livrer le président déchu, recherché depuis plus d’une décennie.
Soudan : des ONG appellent à la remise "immédiate" de Béchir à la CPI
Mardi, des hauts responsables soudanais ont indiqué que les nouvelles autorités du pays s‘étaient entendues avec des groupes rebelles du Darfour pour remettre M. Béchir à la CPI, où il est recherché depuis 2009 pour “génocide”, “crimes de guerre” et “crimes contre l’humanité” dans le cadre du conflit au Darfour (ouest).
M. Béchir, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1989 et chassé par la rue l’an dernier, récuse l’ensemble des chefs d’accusations.
“Les autorités soudanaises devraient traduire ces mots en actes et transférer immédiatement Béchir et d’autres individus recherchés par la CPI à la Haye”, a déclaré Julie Verhaar, secrétaire générale par intérim d’Amnesty International.
Selon elle, “une décision de le remettre à la cour serait une étape bienvenue vers la justice pour les victimes et leurs familles”.
Depuis le début du conflit ayant éclaté au Darfour en 2003 entre le pouvoir central et des insurgés issus de minorités ethniques, 300.000 personnes ont été tuées et des millions déplacées, selon l’ONU.
Outre M. Béchir, trois de ses anciens proches sont poursuivis par la CPI: Ahmed Haroun, ancien secrétaire d’Etat à l’Intérieur, Abdelrahim Mohammad Hussein, ex ministre de la Défense et de l’Intérieur, et Ali Kosheib, chef des milices Janjawid, accusées d’atrocités au Darfour.
“Plus que temps”
“Nous sommes tombés d’accord sur le fait que nous supportions totalement la CPI et nous sommes convenus que les quatre criminels devaient lui être remis”, a affirmé mardi Mohamed al-Taayichi, membre du Conseil souverain soudanais, en référence à M. Béchir et à ces trois ex-responsables.
S’exprimant depuis la capitale du Soudan du Sud, Juba, où une délégation du gouvernement a rencontré des groupes rebelles, il n’a pas précisé quand la mesure serait mise en oeuvre.
“Les attaques généralisées des forces de sécurité soudanaises contre des civils lors de la campagne de terreur de Béchir, dont l’usage de la violence sexuelle comme arme de guerre, ont eu un impact dévastateur” sur les victimes, a de son côté rappelé Physicians for Human Rights, une ONG basée aux Etats-Unis.
“Il est plus que temps que justice soit rendue”. Mardi, M. Taayichi a affirmé que la justice et la réconciliation au Darfour avaient été au coeur des discussions avec les rebelles.
Celles-ci ont abouti à un accord pour la mise en place de plusieurs mécanismes de pacification de la région, dont une cour spéciale pour enquêter sur les crimes commis au Darfour, d’après la même source.
M. “Béchir et les autres seront présentés à la CPI. C’est une décision du gouvernement”, a confirmé mardi le porte-parole du gouvernement, Fayçal Mohamed Saleh.
Le Conseil souverain, instance composée de civils et de militaires, est chargé depuis août de superviser la transition, selon les termes d’un accord entre le Conseil militaire, qui avait succédé à M. Béchir, et les meneurs de la contestation.
“Efficace”
Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la CPI est devant une lourde tâche.
La Cour “doit revenir vers les victimes (...) et promouvoir son travail efficacement” afin que justice soit faite, a affirmé dans un communiqué Alice Mogwe, présidente de la FIDH.
La remise de M. Béchir à la CPI est une exigence du mouvement de contestation l’ayant chassé du pouvoir avec le soutien de l’armée en avril 2019, des habitants du Darfour et des groupes rebelles de cette région.
Pendant plusieurs années avant sa destitution, et malgré le mandat d’arrêt international de la CPI, l’ex-chef d’Etat s‘était rendu en visite officielle dans plusieurs pays.
Depuis sa destitution, M. Béchir est incarcéré à Khartoum, où il a été condamné en décembre à une peine de deux ans en institution pénitentiaire pour “corruption”.
Le soulèvement contre son régime a démarré en décembre 2018 pour protester contre le triplement du prix du pain, et plus largement une économie exsangue.
Dix mois après le départ de M. Béchir, la pénurie de pain, de devises étrangères et d’essence continue toutefois de freiner la relance de l‘économie.
AFP