Le président du Malawi Peter Mutharika va faire appel de l’arrêt historique de la Cour constitutionnelle qui a invalidé sa réélection en mai 2019, a annoncé mercredi son porte-parole, une décision susceptible de provoquer de nouvelles manifestations de l’opposition.
Malawi : le président Mutharika va faire appel de l'invalidation de sa réélection
“Je peux confirmer que le professeur (...) Mutharika va faire appel du jugement de la Cour constitutionnelle annulant l‘élection générale du 21 mai” 2019, a déclaré à l’AFP son porte-parole Mgeme Kalilani.
Peter Mutharika, au pouvoir depuis 2014, a été réélu en mai avec 159.000 voix d’avance seulement sur Lazarus Chakwera, qui a dénoncé des fraudes et saisi la justice.
La Cour constitutionnelle a donné raison lundi à l’opposition en estimant que Peter Mutharika avait été “indûment élu”. “L’usage répandu du Tipp-Ex et d’autres altérations manuelles sur les procès-verbaux a grandement sapé l’intégrité des élections”, a-t-elle estimé.
L’appel du président n’avait pas encore été officiellement enregistré mercredi à la mi-journée, selon une source judiciaire.
Peter Mutharika dispose de six semaines pour faire appel à compter du jugement rendu lundi par la Cour constitutionnelle qui a ordonné l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle “dans les 150 jours”.
Son appel pourrait être suspensif, ce qui reporterait la tenue d’une nouvelle élection, a précisé mercredi à l’AFP Edge Kanyongolo, professeur de droit à l’université du Malawi.
‘Papa est mort’
Saulos Chilima, arrivé troisième de la présidentielle, a appelé mercredi à la démission des responsables de la commission électorale.
Ils faisaient partie d’une “combine criminelle et malfaisante destinée à voler aux Malawites” leurs votes, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse depuis la capitale Lilongwe.
“Ils doivent simplement partir. La Cour les a jugés incompétents. Ils n’ont aucune place dans la direction du nouveau Malawi”, a-t-il lancé.
Saulos Chilima, qui a retrouvé, à la faveur de l’arrêt lundi de la Cour constitutionnelle son poste de vice-président qu’il occupait avant l‘élection présidentielle, a également qualifié l’arrêt de “victoire pour les patriotes”.
“Il s’agit d’une victoire pour tous ceux qui ont enduré les gaz lacrymogène et les violences pendant les manifestations de protestation (...) contre les élections volées”, a-t-il ajouté.
Le Malawi, petit pays d’Afrique australe, a été le théâtre de nombreuses manifestations, parfois violentes avec les forces de l’ordre, de l’opposition ces derniers mois pour dénoncer les résultats de la présidentielle. Au moins deux personnes ont été tuées.
La décision du président de faire appel laisse planer le risque d‘éventuelles violences au cours de nouveaux rassemblements.
Mercredi, la vie reprenait cependant son cours dans le pays, avec la réouverture des établissements scolaires qui étaient restés portes closes en début de semaine par crainte de troubles.
L’arrêt lundi de la Cour a été salué par des scènes de liesse, mais aucun incident n’a été jusqu‘à présent signalé.
Dans la ville de Salima (centre-est), des centaines de partisans de l’opposition ont manifesté mardi en brandissant un cercueil enveloppé dans un tissu bleu imprimé au nom du Parti progressiste démocratique (DPP), au pouvoir. “Papa est mort”, ont-ils scandé en référence au président Mutharika.
C’est la première fois qu’une élection présidentielle est annulée au Malawi, deuxième pays après le Kenya en 2017, à prendre une telle décision.
“L’application pratique de la décision de la Cour constitutionnelle nécessitera les efforts concertés de tous les acteurs politiques clés de ce pays”, a souligné mercredi Saulos Chilima.
En 2017, la Cour suprême du Kenya avait invalidé pour “irrégularités” la réélection du président Uhuru Kenyatta et ordonné l’organisation d’un nouveau scrutin dans les deux mois. Au final, Uhuru Kenyatta avait été réélu lors d’un scrutin boycotté par l’opposition.
AFP