Le président nigérian Muhammadu Buhari a entamé mercredi soir une visite d’Etat en Afrique du Sud, théâtre de violences xénophobes en septembre, un déplacement exceptionnel destiné à apaiser les vives tensions entre les deux premières puissances économiques du continent.
Le président nigérian Buhari en Afrique du Sud après une vague de violences xénophobes
Mis à jour à 5h GMT
M. Buhari a été accueilli par la ministre sud-africaine des Affaires étrangères Naledi Pandor, à sa descente d’avion sur la base militaire de Waterkloof, près de Pretoria.
Le chef de l’Etat nigérian et son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa, s’entretiendront jeudi dans l’optique de renforcer la coopération commerciale et politique entre leurs deux pays, qui tentent de relancer leurs économies en difficulté.
Mais les récentes attaques ciblant les étrangers – y compris les Nigérians – en Afrique du Sud vont probablement s’imposer dans l’ordre du jour des discussions.
La visite d’Etat de trois jours, la première d’un président nigérian depuis 2013, a été décidée avant les émeutes xénophobes survenues début septembre et au cours desquelles au moins 12 personnes ont été tuées.
Des centaines de commerces et de biens appartenant à des étrangers ont été incendiés et saccagés dans les régions de Johannesburg et de Pretoria, suscitant l’indignation et la colère au Nigeria, où des centaines de migrants économiques ont été rapatriés ces dernières semaines.
Des entreprises sud-africaines au Nigeria ont également été obligées de provisoirement fermer leurs locaux après avoir été la cible de représailles.
Les autorités des deux pays ont dépêché des envoyés spéciaux dans chaque capitale pour apaiser les tensions et Pretoria a présenté ses “sincères excuses” aux Nigérians.
Au cours de sa visite, M. Buhari espère notamment “trouver des bases communes pour bâtir des relations harmonieuses” entre les ressortissants nigérians et leurs hôtes sud-africains, a déclaré la présidence à Abuja.
Il participera également à une rencontre avec ses compatriotes vivant en Afrique du Sud afin d‘écouter leurs témoignages et les rassurer sur l’engagement du gouvernement nigérian à “protéger leur vie et leurs biens”.
Le président Buhari devrait plaider auprès de son homologue pour que les Nigérians victimes de violences puissent obtenir réparation.
Plus de 100.000 Nigérians vivent en Afrique du Sud, selon les chiffres donnés à l’AFP par le consulat nigérian de Johannesburg.
“Mauvaise gestion”
La présidence sud-africaine n’a pas évoqué les violences xénophobes dans son communiqué annonçant la visite.
Elle a en revanche mis l’accent sur les tentatives de rapprochement économique entre les deux puissances africaines plombées par une croissance timide.
Leurs relations étaient au beau fixe au début des années 2000, lorsque les anciens présidents Thabo Mbeki et Olusegun Obasanjo travaillaient ensemble pour jouer un rôle politique de premier plan sur le continent africain.
Depuis, une série de différends juridiques entre le géant des télécoms sud-africain, MTN, et les autorités nigérianes ont distendu ces liens.
Les deux parties ont fini par trouver un accord et, en mai, l’entreprise sud-africaine a fait son entrée en Bourse dans ce pays anglophone d’Afrique de l’Ouest.
Muhammadu Buhari, qui a été élu en février pour un second mandat, cherche à sortir son pays du tout pétrole et l’Afrique du Sud pourrait s’avérer un partenaire clé pour notamment stimuler les secteurs agricole et minier.
Mais après avoir signé en juillet un accord qualifié d’“historique” pour le libre-échange en Afrique, le Nigeria a brusquement rétropédalé en fermant sa frontière terrestre avec le Bénin pour bloquer les importations de denrées alimentaires et d’autres biens manufacturés provenant des pays de la région.
Pour certains observateurs, la visite du chef d’Etat nigérian ne suffira pas à donner un nouveau souffle à la coopération politique et économique entre Abuja et Pretoria.
“Ce qui saute aux yeux dans les relations, ce sont des années de mauvaise gestion des deux côtés”, a déclaré Cheta Nwanze, du cabinet SBM Intelligence, établi à Lagos. “Cela ne changera pas radicalement avec cette visite”, “un engagement soutenu au plus haut niveau” sera nécessaire pour les améliorer.
AFP