Dans les légendes qui racontent l’histoire de la Mauritanie contemporaine, un nom figure en haut de la liste. Celui d’Aissata Kane, femme engagée et considérée comme la première grande intellectuelle de la Mauritanie. Elle a tiré sa révérence ce samedi.
Décès d'Aissata Kane, première femme ministre en Mauritanie
Le nom d’Aissata Kane résonne autant dans la vie politique que dans la vie sociétale de la Mauritanie. En 1960, elle est de ceux qui se trouvent au côté de Moktar Ould Daddah, premier président de la Mauritanie, lorsque ce dernier proclame l’indépendance du pays. Une position privilégiée qu’elle doit notamment à son intellect. Fille de Mame Ndiack Elimane Abou Kane, chef de canton de 1923 à 1976 dans la vallée, Aissata Kane fut l’une des premières Halpoular à aller étudier à Saint-Louis, au Sénégal avant de rejoindre l’université de Bruxelles où elle étudiera pendant une année la sociologie.
À son retour en Mauritanie dans la foulée de la proclamation de l’indépendance, elle se consacre d’abord à l’enseignement du français. Mais aussi, à l’autonomisation de la femme qui restera son mantra jusqu‘à la mort. Déjà initiatrice d’un groupe d’incitation à la scolarisation des filles qu’elle fonde en 1957, puis l’un des piliers de la création de l’Union nationale des femmes de Mauritanie, la sociologue participe en 1962 au premier congrès de la femme africaine.
Cet engagement pour une femme mauritanienne autonome va davantage se ressentir lorsqu’elle sera nommée en 1975 ministre de la Protection de la famille et des Affaires sociales, devenant pour le coup, la première femme mauritanienne à diriger un ministère. À ce poste, Aissata Kane multiplie les réformes. Elle conditionne l’attribution d’allocation familiale à la présentation de certificats de scolarité, notamment pour les filles. Elle lutte par ailleurs contre le gavage des jeunes femmes, une pratique ancrée dans les habitudes, l’obésité étant un canon de beauté et étant censée faciliter un mariage précoce. Quitte à récolter les griefs dans la jeune Mauritanie indépendante et dictée par le patriarcat.
À la chute du pouvoir du président Ould Daddah en 1978, elle s‘éloigne du pouvoir, mais reste engagée dans la défense des droits de la femme, mais aussi de l’environnement. Elle fut notamment à la tête de l’Association internationale des femmes francophones, puis présida une association écologique pour la protection de l’environnement en Mauritanie.
À son décès samedi dans les services du Centre national de Cardiologie à Nouakchott, la Mauritanie a rendu un hommage méritée à cette militante accomplie et chantre de l’autonomisation de la femme.