Il y a dix ans, jour pour jour, Boko Haram émergeait des profondeurs de Maiduguri pour semer la terreur au Nigeria avant de se répandre tout autour du bassin du Lac Tchad. Ce, en s’appuyant sur quelques prétextes.
Dix ans avec Boko Haram : quelques dysfonctionnements institutionnels
« Cela fait 100 ans, parce que tout semble aller lentement et que rien ne va mieux pour moi et ma famille », déclare Hassan Mamman, qui s’est enfui de Maiduguri, la principale ville de la région, après les attaques de Boko Haram.
Il fait partie des millions de personnes déplacées du fait des violences de Boko Haram. « Ma communauté me manque et le désire toujours,mais les marchands de la mort ne nous laisseront tout simplement pas la paix », déplore Mamman.
La crainte de Mamman est à la mesure de la fréquence des actes de la secte islamiste. Attentats suicides, assauts contre des civils ou des positions de la force publique régulière,....Difficile de passer une semaine sans une alerte ou « breaking news » de quelque média pour faire état d’un coup de Boko Haram. Non seulement au Nigeria, mais aussi au Cameroun, au Niger et au Tchad.
Et tout commence dimanche 26 juillet 2009. Notamment par des affrontements (dont ceux de la mosquée centrale de Maiduguri) avec les forces de sécurité nigérianes. Plus de 700 personnes dont le dirigeant Mohammed Yusuf, périrent dans les combats selon des responsables et des groupes de défense des droits de l’homme.
Dix ans après le début de l’insurrection, la machine à horrifier de Boko Haram est telle que l’Afrique pleure aujourd’hui plus de 35 000 de ses filles et fils arrachés à son affection par la secte islamiste.
Pourtant, au début des années 2000, personne fût-il prophète n‘était parvenu à voir où voulait en venir Mohamed Yusuf, fondateur officiel de Boko Haram qui signifie « l‘éducation occidentale est un péché ».
Collusions, dysfonctionnements institutionnels,...
Ce natif de l‘État de Yobe au nord-est prônait un islam radical et rigoriste avec pour principal objectif l’instauration d’un califat basé sur l’application de la charia, la loi musulmane.
Pas cependant facile de dissocier les prêches de Yusuf du contexte. Dans un nord nigérian où plus de 80 % des enfants ne vont pas à l‘école où près de trois-quarts de la population vivent avec moins d’un dollar par jour, Yusuf et ses partisans procèdent par des opérations de charme, ainsi qu’en témoigne la construction d’ une école et une mosquée pour attirer des jeunes.
« Derrière la religion même, un profond ressentiment anime ces populations qui s’estiment abandonnées par les élites, le pouvoir central et les policiers fédéraux, corrompus et brutaux », écrivait en 2014, Alain Vicky.
Sans compter les dysfonctionnements institutionnels comme on le constate dans plusieurs pays africains. « Dans ce pays, l‘État est à la fois très puissant et intermittent. Il est brutal, corrompu et décevant pour beaucoup de Nigérians. [...] Les forces de l’ordre ont un droit à l’abus que j’ai rarement constaté ailleurs. Il existe une habitude de l’impunité dans l’histoire du pays », confiait en 2016 à l’hebdomadaire La Croix, Vincent Foucher, chercheur à l’International Crisis Group.
Y compris des collusions présumées. « La plus grande source d’inquiétude, ce sont les rumeurs de collusion entre Boko Haram et des dirigeants de la politique et de l’appareil d’Etat. Il n’y a aucune preuve à ce jour, mais il faut voir cela comme un signe des moyens que certains sont prêts à utiliser pour obtenir pouvoir et richesse », redoutait en 2017 le chercheur Morten Bøås, un chercheur norvégien.
Bref tous ses ingrédients ont contribué aux activités et même à l’expansion de Boko Haram dans une bonne partie du pourtour du Lac Tchad. Ce, malgré les multiples échecs infligés par la force multinationale mixte regroupant des militaires du Tchad, du Cameroun, du Niger et du Nigeria.