La santé des dirigeants africains : encore et toujours au centre de la controverse

La Tunisie veut en savoir plus sur la santé de son chef d’Etat, Béji Caïd Essebsi, victime d’un « grave malaise » en fin de semaine dernière. Si la question fait des remous dans le pays d’Afrique du Nord, sur le continent également, parler de la santé des chefs d’Etat n’est pas toujours de bon ton.

Sur les réseaux sociaux, le hashtag من حقنا نعرفوا# (“Nous avons le droit de savoir”) fait fureur. Il est l’expression du ras-le-bol des Tunisiens qui dénoncent l’opacité sur l‘état de santé du président de 92 ans. À l’orée d’une période électorale qui s’annonce tendue – certes à laquelle ne participera pas l’actuel dirigeant – le sujet a de quoi animer la scène politique.

En effet, une éventuelle absence prolongée du président pourrait entraîner de nouvelles incertitudes politiques, notamment à l’approche des législatives puis de la présidentielle en fin d’année. Plusieurs hommes politiques, dont le député Ghazi Chaouachi, ou le secrétaire général du mouvement nationaliste Echaab, Zouhair Maghzaoui, ont aussi réclamé sur les réseaux sociaux ou dans des médias locaux une plus grande transparence.

“Il faut trancher sur la question de l‘état de santé et de la situation constitutionnelle du chef de l’Etat dans les deux ou trois jours prochains maximum, après la situation va se compliquer à tous les niveaux”, a de son côté estimé Jawhar Ben Mbark, président de l’ONG Réseau Doustourna.

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La loi du silence

Cette polémique rappelle sans aucun doute le cas du chef de l’Etat gabonais, Ali Bongo Ondimba, sorti récemment d’une longue période de convalescence après un malaise cardiaque en Arabie saoudite en octobre. Durant l’hospitalisation du dirigeant gabonais, les informations officielles sur son état de santé étaient d’une rareté qui a fini par alimenter les rumeurs et fausses nouvelles, notamment sur les réseaux sociaux.

Si l’exemple gabonais est le plus récent, il ne résume pas à lui seul les controverses sur la question. Les séjours médicalisés successifs à Londres du président nigérian Muhammadu Buhari, les hospitalisations parisiennes d’Idriss Déby ou ceux de son ancien homologue zimbabwéen Robert Mugabe à Singapour – marqués du sceau du silence – ont vite fait d’alimenter l’usine à potins.

Pourquoi une telle omerta autour de la santé des dirigeants africains ? Plusieurs facteurs pourraient, entre autres, l’expliquer. En premier lieu, aucune loi ne les oblige à la transparence sur leur état de santé, contrairement aux Etats-Unis, par exemple, où une loi du genre est en vigueur depuis le début des années 1970. Autre raison, l’attrait des dirigeants africains pour les blouses blanches occidentales. Nombreux sont, en effet, les chefs d’Etat et autres dirigeants qui multiplient les allers-retours vers l’Europe, ou encore l’Asie pour des check-up réguliers. Le faisant, ils espèrent non seulement profiter d’un système de santé de qualité, mais surtout, se soustraire aux différents commentaires qui pourraient survenir en cas de connaissance du mal dont ils souffrent.

Le 27 juin 2016, l’opposant zimbabwéen Morgan Tsvangirai, de regretté mémoire, avait créé la surprise en révélant le cancer dont il souffrait, se faisant à l’occasion, le héros de la transparence autour de la santé des dirigeants africains. Mais l’heure de la révolution semble encore lointaine ; en Afrique, la santé des dirigeants reste un tabou. Le « grave malaise » dont souffre le président Essebsi n’a toujours pas été révélé. Un point à noter tout de même, le chef de l’Etat tunisien a préféré les hôpitaux de son pays pour son hospitalisation… Contrairement à nombre de ses pairs.

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