Deux journalistes français travaillant pour l’Agence France-Presse (AFP) en Centrafrique ont été brutalement interpellés et leur matériel confisqué ou détruit samedi, lors de la dispersion d’une manifestation de l’opposition à Bangui, interdite par les autorités.
Centrafrique : deux journalistes de l'AFP violemment interpellés à Bangui
Publié à 14h GMT, mis à jour à 16h 20 GMT
Les deux correspondants de l’AFP en Centrafrique, Charles Bouessel (28 ans) et Florent Vergnes (30 ans), ont déclaré avoir été retenus plus de six heures et auditionnés trois fois, après avoir été arrêtés et molestés à plusieurs reprises par des membres de l’Office centrafricain de répression du banditisme (OCRB).
Accrédités pour travailler dans ce pays, les deux journalistes ont été arrêtés samedi vers 15H00 (14H00 GMT).
Ils ont d’abord été retenus par l’OCRB puis transférés dans les locaux de la direction des services de police judiciaire (DSPJ) à Bangui, selon des sources diplomatiques, le ministre centrafricain de la Justice, et les deux journalistes de l’AFP.
“La manifestation se déroulait bien, les CRS nous ont laissé filmer et voyaient bien que nous étions en dehors du cortège”, a témoigné Charles Bouessel, confirmant la version de l’autre journaliste de l’AFP, Florent Vergnes.
“Les manifestants ont été dispersés rapidement. Des pick-up de l’OCRB sont arrivés. On a entendu des tirs à balles réelles”.
“Avec Florent nous tentons de partir (...). L’OCRB nous voit et semble furieux qu’on ait filmé la scène, ils foncent sur nous”, a-t-il ajouté. “L’un d’eux attrape ma caméra et la fracasse par terre. Je mets les mains en l’air mais je me prend une première claque dans la tête. Mon sac à dos (où j’ai mes papiers, passeport, carte bleue, accréditation presse…) est arraché et jeté par terre. Je demande à le prendre, ainsi que les débris de mon appareil mais je reçois seulement des coups”.
“On est emmenés à l’accueil de l’OCRB, où on me dit de vider mes poches pour notifier ce que j’ai sur moi au début de la garde à vue. Je leur explique que je n’ai plus rien, les flics m’ont tout pris, ça ne les intéresse pas, et c’est surement perdu me disent-ils”.
“On est libérés à 20h48, je n’ai plus de papiers ni d’argent ni de téléphone. Les policiers proposent de nous ramener mais demandent 10.000 francs (15 euros) pour l’essence“, poursuit Charles Bouessel.
Condamnation de RSF
De son côté, Florent Vergnes a affirmé avoir “été ceinturé à la gorge” et s‘être “pris des beignes, des coups de crosse de kalachnikov dans le dos”. “Ils m’ont arraché mon sac, mon appareil photo et mon téléphone” pendant l’arrestation.
“J’ai saigné du nez et j’ai mal au dos et à la mâchoire”, a ajouté Florent Vergnes, qui a fait constater ses blessures par un médecin à Bangui dimanche matin.
“Ce jour, il présente un volumineux hématome temporal droit, un hématome sur l’omoplate droite, un hématome sur la base du nez et une douleur sur l’articulation temporo-mandibulaire gauche et un trouble de l’articulé dentaire”, selon les termes du certificat médical.
Florent Vergnes a souligné qu’au moment de son interpellation, il avait signalé être dûment accrédité: “Je leur ai dit que j‘étais journaliste et que j‘étais accrédité, ils m’ont dit appelle ton ministre“.
Selon le ministre de la Justice, Flavien Mbata, les deux journalistes “ont été interpellés par la police, car ils étaient présents sur les lieux d’une manifestation interdite par la police”.
“On a demandé à ce qu’ils soient libérés hier (samedi), ce qui a été fait. Demain (lundi), lorsque on aura tous les éléments et le procès-verbal, on va décider de la suite de la procédure”, a ajouté le ministre, joint par l’AFP de Libreville.
Reporters sans frontières RSF) a “condamné l’agression” des deux correspondants de l’AFP. “Ces mauvais traitements ne doivent pas rester impunis”, a écrit l’ONG dimanche sur Twitter.
Dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse de RSF, la Centrafrique occupe la 145e place sur 180.
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AFP