Au Nigeria, les journalistes s’inquiètent d’un « bâillonnement » de la presse après la restriction de l’accès à l’Assemblée nationale imposée aux journalistes et l’arrestation d’un journaliste accusé de « terrorisme ».
Au Nigeria, les autorités limitent l'accès des journalistes à l'Assemblée nationale
Les débuts du second mandat du président Muhammadu Buhari s’annoncent sous de mauvais auspices pour la presse nigériane, notent les journalistes qui condamnent les nouvelles conditions « draconiennes » qui leur ont été imposées pour la couverture des activités de l’Assemblée nationale.
Désormais, au Nigeria, pour réaliser un reportage au Parlement – la plus haute instance législative du pays – tout journaliste devra par exemple prouver qu’il est issu d’un journal qui diffuse quotidiennement 40 000 exemplaires tandis qu’un journaliste de la presse en ligne, devra s’assurer que son site capte au moins 5 000 vues par jour.
Les journalistes devront également démontrer qu’ils ont au moins deux ans d’expérience dans la couverture des activités de l’assemblée, qu’ils sont membres du syndicat des journalistes nigérians et qu’ils répondent à d’autres critères édictés par le directeur de l’information de l’assemblée, Emmanuel Rawlings Agada.
Ces conditions qui devraient entrer en vigueur dès le 11 juin sont d’ores et déjà mal accueillies par les professionnels de la presse. L’association des éditeurs nigérians a notamment condamné dans un communiqué des règles « primitives, non démocratiques et manifestement anti-presse et anti-peuple ». « C’est une tentative sournoise de bâillonner la presse dans une démocratie et elle ne peut pas tenir », a ajouté l’association, appelant les médias à travers le pays à « se lever et à rejeter » ces nouvelles conditions.
Garder le gouvernement des “critiques”
De son côté, le Comité de protection des journalistes a déclaré que les autorités nigérianes devraient retirer les nouvelles exigences et « veiller à ce que les réglementations futures ne limitent pas indûment la liberté de la presse et l’accès à l’information ».
Pour la presse nigériane, le tour de vis des autorités parlementaires cache mal la gêne ressentie lors du récent interrogatoire serré imposé au greffier de l’Assemblée par l’organe de surveillance de la lutte contre la corruption. Une scène qui avait été couverte, en direct, par les médias présents au Parlement. Et justement, les journalistes nigérians craignent que ce nouveau régime d’injonctions ne soit une astuce du gouvernement pour se soustraire au regard – parfois critique – de la presse sur certaines procédures.
La situation est d’autant plus embarrassante pour la presse nigériane qu’elle intervient quelques jours après l’arrestation, mercredi dernier, du journaliste Jones Abiri, accusé de « terrorisme » et de « sabotage économique ». Le journaliste, accusé d’avoir envoyé des menaces à Shell et Agip, et dirigé un groupe visant à boycotter des oléoducs dans l‘État de Bayelsa avait déjà passé deux ans en prison. Il avait été libéré il y a neuf mois à l’issue d’une campagne nationale et internationale exigeant sa libération.
« La nouvelle arrestation de Jones Abiri montre une fois de plus la volonté effrontée du gouvernement nigérian d’intimider et de harceler la presse », a déclaré Angela Quintal du CPJ, appelant Abuja à libérer le journaliste.