En République du Congo, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) révise son régime de recouvrement des cotisations sociales. L’organe de prévoyance sociale a désormais décidé de retenir aux frontières tout chef d’entreprise publique et privée qui ne s’est pas régulièrement acquitté de ses cotisations sociales. Une mesure qui ne fait pas toujours l’unanimité.
Au Congo, le visa de sortie des chefs d'entreprise conditionné au paiement des cotisations sociales
La mesure a pris effet le 21 mars, sur toute l‘étendue du territoire. Tout responsable d’entreprise qui désire quitter le territoire congolais devra au préalable présenter aux services d’immigration des aéroports de Brazzaville et Pointe-Noire un certificat de non-redevance. Ce document d’une validité d’un mois et délivré par la Caisse nationale de sécurité sociale témoigne de la conformité du client à la caisse, où il est tenu de verser les cotisations sociales de tous les employés à sa charge.
Une initiative qui découle d’une circulaire datée du 27 février 2019 signée du vice-Premier ministre chargé de la Fonction publique, de la réforme de l’Etat, du travail et de la sécurité sociale, Firmin Ayessa. Si le patronat estime que la mesure permettra de mettre un terme au laisser aller dans le milieu du travail congolais, les murmures se font toutefois entendre au sein des entreprises sur place.
La responsable d’une entreprise de logistique que nous avons rencontrée dans la capitale économique Pointe-Noire parle d’une décision « abusive » qui rajoute des « freins au tourisme d’affaires dans le pays ». Pour cette cheffe d’entreprise, la décision ne garantit en aucun cas le paiement effectif des cotisations sociales, et ce d’autant qu’il existe des « moyens de contournements ». « Le contrôle n’est effectué que dans les aéroports. Si quelqu’un veut effectivement quitter le pays, il peut prendre la route », souligne-t-elle.
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Les travailleurs davantage protégés
De son point de vue, il serait plus judicieux de régler le problème à la base. « L’idée serait notamment de faire des contrôles réguliers du statut des employés et saisir les comptes des employeurs véreux ; communiquer aux salariés leurs droits pour qu’ils soient à mesure de saisir le tribunal du travail en cas d’abus », a-t-elle poursuivi.
Un fonctionnaire à la retraite du secteur de la communication s’interroge, lui, sur le “deux poids deux mesures” alors que la Caisse de retraite des fonctionnaires (Cref) connaît elle-aussi des difficultés. “On espère qu’il y aura aussi des sanctions pour les ministres de la fonction publique ou des finances qui ne versent pas nos droits à la retraite”, tranche-t-il.
Dans les rangs des syndicats des travailleurs, cependant, la nouvelle est accueillie avec beaucoup d’enthousiasme. Ils estiment en effet qu’il s’agit d’un pas important pour la protection des employés congolais, souvent pris dans l‘étau de compagnies véreuses.
En effet, un rapport publié fin mars par la CNSS faisait état de 199 employeurs qui ont déserté leurs entreprises sur le territoire national pour un préjudice estimé à environ 10,13 milliard de francs CFA. Un véritable manque à gagner pour la CNSS dont le fonctionnement dépend à 98 % des cotisations sociales. « C’est l’existence même de notre système de sécurité sociale qui est menacée », déclarait en mars Evariste Ondongo, le directeur général de la CNSS.
Acculé par une crise économique due à la chute des cours du pétrole, la République du Congo s’est engagée dans un contrôle strict des structures de l’Etat. Le pays a par ailleurs initié une série de taxes contenues dans la nouvelle loi des finances.
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