En campagne, la DA cherche à se débarrasser de son image de parti sud-africain blanc

Dans le chaos du centre de Johannesburg, sur le même bout de trottoir bondé, des hommes fouillent dans une benne à ordures, des femmes lissent des perruques à vendre et le parti de la DA dévoile, sur une façade gigantesque, son nouveau slogan. “Honorons la vision de Mandela de construire une Afrique du Sud pour tous. Votez DA.”

A l’approche des élections générales du 8 mai, le principal parti d’opposition sud-africain, l’Alliance démocratique (DA), se réapproprie le “rêve” de Nelson Mandela, héros du Congrès national africain (ANC) au pouvoir depuis 1994, et d’une nation toute entière.

“Oui, je sais que Madiba (nom de clan de Nelson Mandela) était un homme de l’ANC. Mais l’organisation qu’il dirigeait n’existe plus”, affirme le chef de la DA, Mmusi Maimane, accusant l’ANC d’avoir “tourné le dos à quasiment presque tous les idéaux” du premier président noir du pays.

En défendant la “vision” de Madiba, la DA tente de se défaire de son image de parti de la minorité blanche qui a soutenu le régime de l’apartheid, aboli il y a vingt-cinq ans.

En 2015, la formation politique libérale a vécu une révolution: elle s’est dotée pour la première fois d’un chef noir, Mmusi Maimane, surnommé alors “le Barack Obama de Soweto”.

En campagne, le jeune dirigeant souriant et facile d’abord, en tee-shirt aux couleurs de son parti, bleu et blanc, veille à être entouré de militants et de cadres noirs.

‘Etiquette qui colle à la peau’

“Je défends le rêve de Nelson Mandela (...) de construire une économie inclusive”, affirme-t-il, à quelques mètres de coiffeurs occupés à faire des dreadlocks.

“Quand vous regardez les listes électorales, le DA est le seul parti où il y a une diversité” entre Noirs, Blancs et “Coloured”, alors qu‘à voir celles de l’ANC, “on se demande si elles reflètent tous les gens de ce pays”, assure-t-il.

Ce discours fait mouche, un peu. “Ils ont réalisé que Helen Zille (ancienne cheffe blanche, de la DA) était la mauvaise personne, ils ont mis à la place un Noir”, estime Elias Mojahi, un restaurateur de 32 ans, tenté de voter DA.

“Le gouvernement ne fait rien pour nous. Il travaille uniquement pour lui”, poursuit Mpho Rakele, dénonçant pèle-mêle corruption, faillite des services publics et chômage. “Le DA va apporter le changement”, espère-t-il.

Mais la tâche du parti libéral n’est pas aisée, notamment quand Helen Zille suscite la controverse affirmant que l’héritage du colonialisme n’est pas “seulement négatif”.

“Vous êtes un parti de Blancs”, lance un électeur noir, au passage de la caravane de la DA dans la ville minière de Marikana (nord). “Je ne peux pas voter DA parce qu’ils vont nous replonger dans les années 70 et 80”, estime un autre, Kgomotso Mosepidi, chômeur de 47 ans à Johannesburg.

“C’est très dur de lutter contre les étiquettes qui vous collent à la peau”, reconnaît Tony Leon, ancien patron de la DA.

Depuis la fin du régime de l’apartheid en 1994, la DA a enregistré une progression constante : 2 % des voix en 1994, 10 % en 1999, 12 % en 2004 et 22 % en 2014.

‘Donner une chance’

En 2016, elle a même décroché le contrôle de plusieurs grandes municipalités du pays, notamment Johannesburg et Pretoria, profitant des scandales éclaboussant l’ex-président Jacob Zuma.

Ce dernier a depuis été remplacé par Cyril Ramaphosa, qui a promis de nettoyer l’ANC.

Mais cette année, les sondages donnent la DA entre 15 et 25 % des suffrages, alors que le climat leur est, sur le papier, particulièrement favorable. L’ANC reste empêtrée dans les affaires de corruption et le taux de chômage reste à 27 %.

“La population ne fait pas confiance (au DA). La direction du parti est peut-être démographiquement OK, mais Mmusi Maimane n’est pas assez costaud”, estime Susan Booysen, politologue à l’université de Witwatersrand à Johannesburg.

La DA peut cependant compter sur le soutien d’une partie de la minorité blanche (8% de la population sud-africaine) et de la communauté “coloured” (9 %), viviers traditionnels du parti.

“On va encore voter DA”, explique April Groats, une chômeuse “coloured” de 56 ans dans le township d’Eldorado Park à Johannesburg. “On n’a pas vu de changement ici” depuis qu’ils dirigent la municipalité, “mais on va leur donner une autre chance”.

De retour dans le centre de Johannesburg, Teboho Kabi, 32 ans, sort la tête de la benne à ordures pour regarder l’affiche de la DA.

“Ca ne signifie rien pour moi”, lâche-t-il. “Mandela avait sa vision, mais qu’en est-il de la vision de la DA ? Ils utilisent Mandela pour leur propre fin. Moi ici, je veux voir leur vision”, ajoute-t-il, avant de replonger ses mains aux ongles noircis dans les déchets. “Les élections ne suscitent pas autant d’espoir qu’avant”.

AFP
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