Soixante-six personnes ont été tuées dans le nord-ouest du Nigeria dans des violences communautaires, à la veille de l‘élection présidentielle dans ce géant instable de 190 millions d’habitants où des fidèles ont prié vendredi pour la paix.
66 morts dans des violences communautaires à la veille de la présidentielle
“Nos agences de sécurité ont retrouvé 66 cadavres de personnes tuées par des criminels et dispersés dans le district de Kajuru”, a écrit Nasir El-Rufai, gouverneur de l’Etat de Kaduna (centre-nord), sur sa page Facebook.
“Parmi les victimes se trouvent 22 enfants et 12 femmes”, ajoute le gouverneur.
Ces violences semblent être liées aux tensions récurrentes entre agriculteurs sédentaires, à majorité chrétienne, et éleveurs nomades peuls.
“La situation depuis ces trois dernières années est très instable, et nous faisons face à des kidnappings (contre rançon) constants et des tueries”, rapporte à l’AFP Maisamari Dio, président de l’association de la communauté des Adara (agriculteurs).
>>> LIRE AUSSI : Nigeria : une présidentielle, des défis ambiants
Cycle de vengeance
Selon lui, ces dernières tueries entre les deux groupes, enfermés dans un cycle infernal de vengeance, ont commencé dans la nuit de dimanche à lundi où onze personnes ont été tuées par des groupes criminels peuls.
“Le gouvernement demande aux leaders communautaires, traditionnels et religieux dans ce district d‘éviter toute vengeance et de faire confiance aux forces de sécurité et à la justice pour retrouver les criminels”, a martelé le gouverneur M. El-Rufai.
Le gouverneur, proche du président Muhammadu Buhari, tout deux en lice pour un nouveau mandat, est sévèrement critiqué pour son incapacité à rétablir la sécurité dans l’Etat de Kaduna, victime d’attaques de groupes armés, voleurs de bétail et où s’affrontent de nombreux groupes religieux extrémistes.
Kaduna avait également été le foyer de très grandes violences électorales en 2011, où des centaines de chrétiens avaient été tués après la défaite du candidat musulman, l’ex-général Muhammadu Buhari, face au chrétien Jonathan Goodluck.
Désormais président, l’ancien général Buhari affrontera Atiku Abubakar, autre Haoussa du nord, pour un scrutin qui s’annonce particulièrement serré et sous tension.
Les résultats devraient être annoncés dans les 48 heures suivant le scrutin, mais le procédé de comptage des voix est complexe et peut prendre du temps.
Muhammadu Buhari reste largement soutenu dans le nord du pays, où il est perçu comme un homme autoritaire et humble, contrairement à son adversaire du PDP, un businessman millionnaire qui a fait ses affaires dans le Sud, notamment à Lagos.
>>> LIRE AUSSI : Nigeria – élections : les attentes des électeurs du nord-est
Acclamé
Le chef de l’Etat a été acclamé vendredi à son arrivée à Daura, sa ville d’origine dans l’Etat de Katsina (nord-ouest), où des centaines de partisans en liesse se sont joints à lui pour la grande prière du vendredi.
“J’appelle tout le peuple de Daura à sortir demain et à voter en masse”, a lancé l‘émir de Daura, une figure traditionnelle très respectée et écoutée chez les Haoussas.
A Mubi, deuxième plus grande ville de l’Etat de l’Adamawa (nord-est), région d’origine d’Atiku Abubakar, les voix semblent être divisées entre les deux candidats. Buhari, qui a été élu en 2015 sur la promesse d‘éradiquer le groupe Boko Haram, a libéré la ville des jihadistes.
“La vie était tellement difficile à cette époque”, se souvient Mohammedu Malla, vendeur dans le marché de la ville. “Mais Dieu nous a fait un grand cadeau en nous apportant baba (Papa) Buhari”.
Toutefois, ses faibles performances économiques, marquées par une grave récession en 2016-2017 et par une forte inflation pourraient lui coûter son fauteuil.
“Nos enfants n’ont pas de travail”, regrette Hagatu David, vendeuse de noix de cajou. “Ils finissent leurs études, et ils sont toujours au chômage. Je vais voter pour Atiku car je pense qu’il peut améliorer la situation du Nigeria”, où 87 millions de personnes vivent sous les seuil de l’extrême pauvreté.
La sécurité reste toutefois un très grand enjeu de ce scrutin.
Dans la capitale économique, Lagos, à plus de 1.000 km de Daura, l’imam de la Mosquée Centrale a “imploré la protection de Dieu pour nous tous dans ce moment important”.
Il a appelé les fidèles à faire preuve de “sérénité”: “Si vous voyez des gens voler des urnes, voler des bulletins et s’enfuir, je vous le dis maintenant: n’y participez pas”.
AFP