L’Ong Amnesty international a publié ce lundi son rapport sur la liberté d’expression en Côte d’Ivoire. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce rapport ne fait pas dans la dentelle, décryptant les nombreux abus du régime d’Alassane Dramame Ouattara. Dans ce rapport, l’Ong mentionne des arrestations et emprisonnements arbitraires, mais aussi le harcèlement dont sont victimes l’opposition, la société civile et la presse. Les détails dans les lignes qui suivent.
Côte d'Ivoire : la liberté d'expression est malmenée (Amnesty international)
L’image d’une Côte d’Ivoire sur la voie du vrai développement, avec le concept de ‘‘l‘émergence’‘, est souvent brandie par le pouvoir. Mais Amesty s’attarde plutôt sur la situation des droits de l’Homme qui, selon elle, est loin d‘être reluisante.
“Sept ans après la crise post-électorale, qui a coûté la vie à 3.000 personnes, la Côte d’Ivoire projette une image de relative stabilité favorisée par une (forte) croissance économique et par un retour sur la scène internationale.”, souligne l’Ong dans son rapport. Puis Amnesty de s’empresser de préciser que “la situation en matière de droits humains demeure fragile”.
François Patuel est chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International. Cité dans le brûlant rapport, il affirme que “l’usage de lois répressives pour écraser le droit à la liberté d’expression se traduit par la détention arbitraire de très nombreux citoyens”.
La presse de l’opposition dans le viseur du régime
A propos des violations de la liberté de la presse, Amnesty international fait savoir qu’“au moins 17 détentions arbitraires de journalistes et blogueurs ont été recensées ces cinq dernières années et le Conseil national de la presse a sanctionné des organes de presse à maintes reprises, leur imposant interruptions de publication et lourdes amendes”.
Les cibles privilégiées du régime étant “les publications critiques envers les autorités et proches des mouvements d’opposition”.
Le sort des opposants au pouvoir est aussi détaillé dans le rapport de l’Ong internationale : “les opposants politiques sont aussi la cible d’un harcèlement judiciaire, parce qu’ils expriment leurs opinions.”
Le cas le plus en vue du moment est celui d’Alain Lobognon. Ce député proche de Guillaume Soro (ex-chef de la défunte rébellion des Forces nouvelles et démissionnaire de la présidence de l’Assemblée nationale, NDLR) est “inculpé de divulgation de fausses nouvelles et d’incitation à la révolte, a été condamné à un an de prison”. Et ce, depuis la fin janvier.
Le rapport ne s’arrête pas en si bon chemin, se penchant sur les pressions dont sont victimes les membres de la société civile : “les réunions pacifiques à l’initiative d’organisations de la société civile et de groupes d’opposition sont régulièrement interdites et dispersées par la police et la gendarmerie, qui font usage d’une force excessive.”
Ce fut le cas lors d’un rassemblement en mars de l’année dernière. Au cours de cette manifestation, pas moins de 40 contestataires ont été arrêtés et jetés derrière les barreaux.
“Les défenseurs des droits humains sont fréquemment menacés et leurs bureaux régulièrement cambriolés. Ces quatre dernières années, les bureaux de six des principales organisations de défense des droits humains ont été saccagés”, s’inquiète Amnesty.
La torture évoquée, culture de la totale impunité
Mais les choses vont encore plus loin, selon le rapport d’Amnesty International. La torture est évoquée sous le régime Ouattara et la police serait responsable de cette pratique digne du Moyen Âge. Mais pas que la police. Sont citées aussi la gendarmerie et surtout la police secrète, la fameuse Direction de la surveillance du territoire (DST).
Se tournant vers les conditions de détention, l’organisation internationale parle de situations ‘‘inhumaines’‘ dans le pays : “152 personnes sont mortes en détention depuis août 2014.” Qu’en est-il des bourreaux ? Amnesty parle d’‘‘impunité’‘ dont ils bénéficient.
Comme pour s’adresser directement au président ivoirien, l’Ong souligne qu’“alors que le président ivoirien Alassane Ouattara s’est engagé à ce que justice soit rendue dans tous les cas de violations des droits humains, seuls les partisans présumés de l’ancien président Laurent Gbagbo ont été jugés pour les graves violations commises pendant et après (la présidentielle) de 2010”.
La justice à deux vitesses est mentionnée dans le rapport, dans la mesure où les “membres des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), fidèles au président Ouattara, soupçonnés de graves violations des droits humains, n’ont pas été traduits en justice. Ils seraient notamment responsables de la mort de plus de 800 personnes à Duékoué (ouest) en avril 2011”.
Jusqu‘à ce jour, les barons des FRCI se la coulent douce. Le rapport fait savoir que “plusieurs hauts responsables des FRCI accusés de crimes contre l’humanité conservent de hautes fonctions au sein des forces de sécurité et certains ont même été promus en janvier 2017”.
Pour conclure, Amnesty international lance un appel au régime de Ouattara, l’invitant à “mettre fin aux arrestations arbitraires et aux actes de harcèlement”.
La Côte d’Ivoire ira aux urnes fin 2020 pour désigner le successeur d’Alassane Dramane Ouattara, qui est censé ne pas se représenter compte tenu de la Constitution ivoirienne qui ne donne que deux mandats présidentiels successifs.
Si l’on se fie à ce rapport de l’Ong internationale, le prochain président ivoirien aura des colonnes de torts à réparer, au risque de voir des rancœurs grandir davantage… et exploser.