Règlements de comptes à la tête du Malawi: à quatre mois de la présidentielle, le vice-président Saulos Chilima a déclaré la guerre au président Peter Mutharika, qu’il accuse de “corruption” et de “népotisme”, et s’apprête à le défier dans les urnes.
Malawi : le vice-président Saulos Chilima affrontera le chef de l'Etat dans les urnes
Lors d’un entretien accordé cette semaine à l’AFP dans son imposante résidence privée de la capitale Lilongwe, M. Chilima a confié qu’il n’adressait plus la parole à M. Mutharika.
“Mon bureau informe (le président) quand je voyage, et la communication se limite à ça”, lâche-t-il.
Confortablement assis dans un canapé à dorures, Saulos Chilima ne retient pas ses coups lorsqu’il évoque le bilan à ses yeux désastreux de son ancien colistier.
“On assiste à un grave pillage des ressources publiques, qui sont pourtant destinées à améliorer la qualité de vie”, assène-t-il, “les personnes au pouvoir (...) savaient parfaitement quoi faire mais elles ont fait l’exact opposé”.
“A-t-on réussi ce qu’on devait accomplir ? La réponse est non”, insiste le vice-président, chemise rouge à motifs noirs et blancs ouverte. “La corruption est pire qu’avant…”
La rupture entre les deux dirigeants fut spectaculaire. Elu en 2014, sur le ticket de Peter Mutharika, Saulos Chilima a claqué l’an dernier la porte du Parti populaire démocratique (DPP) et lancé son Mouvement uni de transformation (UTM).
Jusqu’au scrutin du 21 mai, les deux hommes sont toutefois contraints à la cohabitation, car la Constitution malawite interdit au chef de l’Etat de limoger son vice-président.
Mais la détermination de Saulos Chilima, 46 ans, n’a pas fléchi. Il entend bien priver Peter Muthurika, 79 ans, d’un second mandat.
‘Népotisme’
Pour y parvenir, l’ex-homme d’affaires surfe sur la vague de mécontentement populaire qui monte depuis des mois contre le président sortant et son gouvernement.
En avril dernier, des milliers de personnes ont envahi les rues de plusieurs villes du Malawi pour dénoncer la corruption, devenue insupportable dans un pays dont, selon la Banque mondiale, la moitié des 18 millions d’habitants vit sous le seuil de pauvreté.
“Tout le monde devrait pouvoir manger trois repas par jour. Si on ne peut pas se nourrir, on ne peut pas contribuer sérieusement au développement”, estime Saulos Chilima.
Pour y parvenir, il plaide pour la modernisation du secteur agricole et la relance du tourisme et des travaux publics.
Surtout, le vice-président veut débarrasser le pays de la “politique du clientélisme” et du “népotisme” dont il accuse le chef de l’Etat et son entourage.
“Il faut dénoncer le népotisme (...) que l’on retrouve dans les marchés publics, le recrutement et les promotions dans les services publics”, souligne Saulos Chilima.
La popularité de Peter Mutharika est sérieusement écornée par la corruption, les pénuries de nourriture et les coupures d‘électricité. Mais les chances de son vice-président de le faire chuter restent incertaines.
Alors il n’exclut pas une alliance avec Joyce Banda, l’ancienne présidente du pays (2012-2014).
Mise en cause dans un énorme scandale de corruption, Mme Banda est rentrée au pays l’an dernier après quatre ans d’exil et a été investie candidate de son parti à la présidentielle.
“Une alliance qui a du sens serait une bonne idée”, juge Saulos Chilima, “nous souhaitons un pays où tout le monde a sa chance, un pays où tous les citoyens sont heureux”.