Inspire Middle East : le Louvre Abu Dhabi souffle sa première bougie

A l’occasion du premier anniversaire du Louvre Abu Dhabi, Inspire Middle East vous fait visiter ce musée unique au monde. Au programme de ce numéro :

un aperçu des collections et des chefs d’œuvre du musée émirati

une rencontre avec le président de l’Autorité du Tourisme et de la Culture d’Abu Dhabi, Mohammed al-Moubarak, qui évoque les nouvelles acquisitions

un détour par la Tunisie à la rencontre de jeunes danseurs qui défendent le breakdance comme discipline artistique à part entière.

L’innovation au service de l’art

Et si les statistiques pouvaient créer de la musique ? Tel est objectif de l‘œuvre contemporaine baptisée “Constellations”, une création du designer émirati Salem al-Mansoori. Ce dernier a utilisé les chiffres du Louvre Abu Dhabi au cours de sa première année, pour créer une sorte de carte des visiteurs.

60% des visiteurs du musée viennent de l’étranger. L’artiste a donc créé des constellations qui représentent les pays dont ils sont originaires, et chacune d’entre elles possèdent sa propre mélodie.

“Vous pouvez regarder l’histoire de l’humanité à travers l’art, c’est pourquoi nous avons voulu nous servir des visiteurs de manière concrète et explicite. Ici, ils deviennent les composants de cette base de données artistique”, explique-t-il.

Aux Émirats arabes unis, le Louvre célèbre son premier anniversaire à travers des expositions d’œuvres d’art historiques et contemporaines. Le musée a notamment mis en place des représentations éphémères d’œuvres orales, où des poètes s’inspirent des artefacts qui les entourent.

L’année dernière, Abu Dhabi a obtenu le droit d’utiliser la marque Louvre pour une durée de 30 ans. Montant de l’opération : plus de 460 millions d’euros.

Au cours des 12 derniers mois, le musée a abrité des centaines d‘œuvres du monde entier, dont des chefs-d‘œuvre internationaux tels que l’autoportrait de Vincent Van Gogh, peint en1887, ou encore la statue de deux mètres et demi du pharaon égyptien Ramsès, qui régnait au 13ème siècle avant JC.

Le Louvre d’Abu Dhabi a organisé des milliers de visites guidées, de conférences et de séjours scolaires pour les Emiratis à l’occasion de son premier anniversaire. Et pour marquer la saison à venir, le musée organise une série d’ateliers et d’expositions conçus pour les enfants, avec notamment des expositions interactives sur l’imagerie utilisée par les artistes pour représenter les animaux à travers différentes époques.

Une section du musée est dédiée aux mangas japonais avec un véritable laboratoire de bandes dessinées, qui permet aux jeunes artistes en herbe de s’exprimer directement sur les murs.

“J’ai découvert un style de dessin basique auquel je pourrais m’essayer désormais. On retrouve ce style dans plein de dessins animés, j’adore ça !”, se réjouit Gena Matthew, une étudiante en visite au musée.

Autre spécificité du Louvre Emirati : les lunettes de réalité virtuelle permettent aux amateurs d’art de découvrir des versions numérisées de reliques anciennes.

Les visiteurs du cyber-musée peuvent ainsi toucher ou faire pivoter des artefacts datant de plusieurs centaines de milliers d’années. Une manière originale et innovante pour apprendre et se connecter à l’Histoire.

De Van Gogh aux armures de samouraï

Situé dans le quartier culturel de l‘île de Saadiyat, le musée a ouvert ses portes dans le cadre d’un accord de trente ans entre le gouvernement français et Abu Dhabi.

Depuis ce moment, de nombreuses œuvres inestimables, à la fois anciennes et modernes, ont été exposées ici pour la toute première fois au Moyen-Orient, ce qui soulève la question : à quoi peut-on s’attendre à l’avenir ?

Après avoir atteint son objectif de plus d’un million de visiteurs au cours de la première année, les conservateurs du Louvre Abu Dhabi complètent leurs collections. En plus des 657 œuvres déjà présentes, le musée se félicite de 11 acquisitions et de 40 nouveaux emprunts d‘œuvres d’art internationales.

La collection permanente du musée s’est enrichie d’armures de samouraï japonais du XVIIIe siècle et d’une imposante sculpture bouddhiste médiévale de Chine.

Autre nouveauté : l’exposition “Routes d’Arabie”, récemment inaugurée, présente des antiquités et des découvertes récentes de la péninsule arabique.

L’entretien d’Inspire : Mohammed al-Moubarak, président de l’Autorité du Tourisme et de la Culture d’Abu Dhabi

Rebecca McLaughlin-Duane pour Euronews : Le Louvre est Français d’origine, mais Émirati dans son essence. Comment reflète-t-il le peuple émirati, la culture et la société ?

Mohammed al-Moubarak : Tout d’abord, le musée a été construit ici, aux Émirats arabes unis, à Abu Dhabi. Il a été construit par des mains émiraties, conçu par l’esprit émirati. En même temps, au sein même du musée, vous avez évidemment des inspirations et des pièces du monde entier. Nous avons par exemple un Marawah, un vase datant de 7000 ans, mais nous exposons également de l’art contemporain, comme une pièce fantastique de Hassan al-Sharif qui se trouve dans la galerie d’art contemporain.

Comment encouragez-vous les Émiratis à devenir artistes, mais aussi conservateurs ? et culturellement, comment sont perçus les professionnels du monde artistique ?

Si l’on considère les espaces au sein du musée, une grande place est dédiée à la créativité qui offre aux artistes émiratis et internationaux la possibilité de créer des pièces. Ce sont des commandes pour le musée. Les opportunités sont donc très nombreuses pour les artistes des Émirats.

Juste en face du Louvre d’Abu Dhabi, il y a le centre Manarat Saadiyat, qui abrite un fantastique lieu artistique pour les enfants. Les gens me demandent souvent : quel est le plus gros avantage du Louvre ? Et bien je pense qu’il contribue à créer une génération cultivée et éduquée. C’est l’impact sur le long terme que le Louvre va provoquer.

Parmi les œuvres du musée, de l‘âge du bronze jusqu’à nos jours, est-ce que vous avez des préférées ? Y a-t-il une œuvre que vous ne vous lassez jamais de regarder ?

De notre collection, j’adore évidemment le vase Marawah. Il parle de l’héritage et de l’histoire des Émirats. Cela montre à la fois l’ingéniosité, le talent artistique,… et aussi l’aspect commercial de l’époque ! Le vase raconte combien nous étions ouverts il y a 7000 ans.

Dans une perspective internationale, je suis aussi un grand fan de David. Je pense notamment à un prêt de nos partenaires français. C’est un portrait de Napoléon, un portrait très puissant de Napoléon. La façon dont il est exposé permet de dévoiler toute sa beauté.

Parmi mes artefacts préférés, nous avons acquis un magnifique dragon chinois, un dragon en bronze datant de Bach au deuxième siècle.

Et parmi les chefs d’œuvres dont le musée s’est séparé après cette première année, un vous manquera particulièrement ?

Le Van Gogh. Ce tableau est tellement coloré et tellement puissant. Vous pouvez le contempler durant des heures.

En cette période de difficultés économiques, en particulier dans la région où les prix du pétrole fluctuent, certains gouvernements réduisent leurs dépenses artistiques. Est-ce le cas pour Abu Dhabi ?

Absolument pas. Nous avons eu beaucoup de chance, la culture et l’art restent des priorités. Le 7 décembre, nous inaugurons la fondation de la culture et, plus important encore, le musée Qasr al Hosn.

Ce musée évoquera tous les domaines, du théâtre à la musique, en passant par les programmes artistiques, les expositions… Avec une particularité importante selon moi : une grande bibliothèque ultramoderne pour les enfants. Ce sera vraiment un centre fantastique pour la culture, qui permettra de développer l’art dans la région.

Si vous regardez dans votre boule de cristal, dans cinq, dix ou vingt ans… quelle est l’œuvre que vous rêveriez d’exposer, une œuvre d’art internationale emblématique ?

C’est une question difficile… Comme on dit : la beauté est dans l‘œil du spectateur. Je vais vous révéler un petit secret, en fait une petite surprise… Nous venons d’acquérir une pièce incroyable. Je ne peux pas encore la nommer, alors vous devrez attendre que cela soit officialisé, mais c’est un morceau d’histoire ancienne.

Nous avons hâte d’en savoir plus ! Est-ce que je peux vous demander son origine ? Elle vient d’Afrique du Nord ? Égypte peut-être ?

Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’elle est très spéciale…

Le breakdance casse les clichés en Tunisie

En Tunisie, le breakdance a mis près d’une décennie pour être reconnu comme une forme de danse émergente par les autorités culturelles du pays.

A Tunis, Ala Zrafi, “breakdanceur” de 30 ans, a fondé l’école Urban Dance à Tunis l’année dernière. Après avoir remporté la battle Red Bull en 2011, le danseur veut aujourd’hui partager sa science du mouvement avec la jeune génération, dans un style qui était encore méconnu du grand public tunisien il y a une vingtaine d’année.

“Quand j’ai commencé à danser dans ma ville, à Monastir, à la fin des années 90, j’empruntais le casque de mon père pour m’entraîner à tourner sur la tête !”, se souvient le danseur.

A cette époque, le breakdance était réservé aux garçons et il n’était pas reconnu en tant que discipline artistique ni par les autorités, ni par la société dans son ensemble. Mais ces dernières années, le hip-hop est devenu de plus en plus populaire, et plus de 20 académies de danse ont ouvert leurs portes à travers le pays depuis 2011. Cette année là, la Tunisie a accueilli pour la première fois de son histoire la “Battle of the year”, l’une des compétitions de hip-hop les plus relevées. Plus de 150 danseurs y ont participé, y compris des jeunes femmes.

“Le breakdance n’est plus réservé aux garçons. Quand j’étais jeune, on n’autorisait pas les filles à danser avec nous. Mais de plus en plus de filles s’affirment aujourd’hui et dansent dans les rues de la medina”, note Ala Zrafi.

Dans la capitale tunisienne, les rues étroites de l’ancienne médina sont le théâtre de “battles” entre danseuses et danseurs. Chaque weekend, on y retrouve Ranim, et son équipe les “Ninja’s”, ou encore Housem et son “Adrenaline Crew”, qui s’entraînent pour les compétitions à venir.

“Mes parents sont contre le fait que je danse dans la rue, mais c’est ma vie. Le breakdance, c’est la liberté de s’exprimer et de prouver que tout le monde peut danser, ce n’est pas seulement pour les garçons, et je veux être une championne un jour”, clame Ranim Boutara.

A 19 ans, l‘étudiante est la seule fille de son équipe et est parfois victime de discriminations, mais la jeune femme peut compter sur le soutien inconditionnel de son groupe. “Nous n’avons pas l’argent pour suivre des cours donc on danse dans le rue, ça ne nous coûte rien !”, note également Ranim.

“Nous sommes une grande famille, peu importe d’où l’on vient ou qui l’on est. Tout ce qui compte, c’est comment on bouge et les filles assurent grave !”, conclut son ami Housem
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