Commérage, infidélité, arrogance,....De 1956 à sa mort, le 12 octobre 1989, Franco Luambo Makiadi aura montré la société zaïroise ou congolaise telle qu’il la voyait et la comprenait. Petit rappel de l‘œuvre de celui qui demeure aux yeux de certains Africains « le grand-maître » incontesté de la rumba congolo-congolaise.
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S’il y a une chose à laquelle on ne peut pas ne pas penser lorsqu’on veut explorer la culture de RDC, c’est vraisemblablement la musique. Un domaine dans lequel le Zaire a trôné pendant plus de deux décennies sur le toit de toute l’Afrique ou presque. Inutile donc de rappeler que pour la RDC, la musique est un référent aussi significatif que le football pour le Brésil ou le kung-fu pour la Chine.
Et si dans chaque domaine, la tradition ou la logique veut qu’il y ait des icônes, parmi celles de RDC, figure en bonne place Luambo Makiadi. Né le 6 juillet 1938 à Nsona-Mbata (actuel Sona-Bata) dans la province du Bas-Congo, à l’extrême sud-ouest de RDC, François Luambo Luanzo Makiadi entre dans le monde de la musique en fondant en 1956 avec Jean Serge Essous de Brazzaville, l’orchestre Ok Jazz.
Guitariste-chanteur formé par un compatriote, ce fils d’ancien cheminot et de boulangère traditionnelle va vite s’imposer sur l‘échiquier musical congolais, et même africain. Si bien que sa notoriété semble encore intacte malgré les 29 ans qui se sont déjà écoulés depuis son décès le 12 octobre 1989 à Bruxelles en Belgique. Une notoriété imputable à son succès, lui-même lié à l’immensité de son œuvre.
Une œuvre à la mesure de la société kinoise
Une œuvre qui ne saurait êre indissociable de la société kinoise de l‘époque, et même d’aujourd’hui. Et le « big brother from Zaire », comme l’appelaient affectueusement des journalistes de la Voix d’Amérique, n’ira pas chercher de Muse dans la mythologie bantoue. Il va parler des faits de société comme la jalousie « Mbanda a koti kikumbi » (ma rivale est allée féticher contre moi.) et le manque de bonnes manières « ozala très impoli » (tu es très impoli.).
Dans son œuvre, il y avait tellement d’avant-gardisme féministe que plus de 12 000 femmes africaines vont lui adresser des lettres pour raconter les relations conflictuelles qu’elles avaient avec les sœurs de leurs époux. D’où la chanson intitulée « 12 600 lettres ».
Fin observateur de la vie de son pays, Franco va même explorer la gouvernance du Zaïre. Mais pas par des attaques frontales. Luambo va plutôt se servir de la métaphore pour fustiger une élite politique noyée dans des antivaleurs.
C’est le cas du titre « Tailleur » qui est une sorte de raillerie de ces responsables (ministres ou DG) évincés de leurs postes. « Olobaki trop na esika yango, bati yo pembeni, loba lisusu » (que reste-t-il de ton arrogance maintenant que tu viens d‘être révoqué de tes fonctions?).
L‘élite brocardée
Il y a eu aussi « Lettre à Monsieur le DG » de l’album « Lisanga ya banganga » (retrouvailles des sorciers en lingala) sorti en 1985. Dans cette chanson, une seule parole retient l’attention du mélomane : « Ozalaka kaka moto, DG » (Tu as beau être DG, tu es pourtant un humain ». Et de poursuivre : « Entourage esalaka mabé ponini ? » (pourquoi l’entourage cause du tort à ceux qui veulent te voir en te mystifiant?). Une attitude à la mode dans un Zaïre où des chefs sont protégés dans leurs domaines par des hordes de courtisans.
« Devenu maître de sa guitare, Luambo a apprivoisé toute la société africaine et zaïroise. Il va censurer et vilipender tout le monde et toutes les couches sociales. Chacun se sentira visé dans sa chanson. Il débordait même au point d‘être rappelé à l’ordre par la justice », déclara peu après sa mort, Oscar Tatanene Manata, ancien ambassadeur du Zaïre aux États-Unis.
Ainsi, si la RDC est un vaste océan, les quelque 150 albums de Franco semblent ressembler, 29 ans après sa mort, à un bathyscaphe capable de conduire jusque dans les profondeurs abyssales de la société kinoise.
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