3D et robotique révolutionnent le secteur médical aux EAU

Cette semaine, l’équipe d’Inspire Middle East s’intéresse aux soins de santé dans la région et jette un œil sur les nouvelles technologies qui permettent de réduire les délais de rendez-vous chez le médecin et donc de sauver des vies. Au programme aussi, la robotique médicale et le scanner “Robo-doc” testé ce mois-ci aux Émirats Arabes Unis.

Des prothèses en 3D

Une escapade à moto, plutôt facile quand on a ses deux jambes. Fahad Ali ne le sait que trop. Cet ingénieur a été amputé des membres inférieurs quand il était enfant. Aujourd’hui, à 25 ans, des prothèses en 3D lui permettent de remarcher et même de faire du sport. Trois semaines ont été nécessaires pour mouler et imprimer ses prothèses d’une valeur de 30 000 dollars.

Fahad était déjà équipé de prothèses, mais bien plus classiques et conventionnelles et donc bien moins adaptées à son corps. Ces nouvelles prothèses ont été réalisées sur-mesure grâce à la technologie 3D.

“C’est quelque chose de fantastique, de parfait pour marcher, pour la stabilité, pour tout. C’est ça la prothèse. J’ai même commencé à imaginer que je marchais avec mes propres jambes. Je veux dire qu’il existe une telle différence entre cette prothèse là et celle-ci “, explique Fahad Ali.

Après plus de 15 ans passés à utiliser des prothèses conventionnelles, Fahad est le premier double amputé à avoir reçu des membres imprimés en 3D les plus avant-gardistes des Émirats arabes Unis.

Le pays se focalise sur cette technologie bien spécifique. D’ici 2030, Dubaï ambitionne de devenir un centre mondial d’impression de prothèses en 3D.

Améliorer la productivité et réduire les coûts grâce à l’impression 3D, cela ne concerne pas que le secteur médical Dubaïote mais aussi celui de la construction. Ainsi, d’ici 2025, 25 % de l’ensemble des bâtiments de Dubaï seront construits par le procédé de l’impression 3D.

Implantée aux Emirats arabes unis, la société D2M Solutions est la spécialiste de l’impression 3D dans la région. Depuis 20 ans, elle imagine et fabrique des produits en 3D et approvisionne les centres médicaux du monde arabe, aux Emirats arabes unis, bien sûr, mais aussi en Arabie Saoudite et en Egypte.

Les dentistes et orthodontistes seraient actuellement les plus gros demandeurs en la matière.

“Le secteur dentaire est un marché porteur car tout le monde a besoin de prendre soin de ses dents. Et l’impression 3D permet, notamment pour l’orthodontie, de réaliser des alignements précis”, dit Jimmy Nicolaides, responsable technique chez D2M Solutions.

Des cachets en 3D contre la migraine ?

L’industrie de l’impression 3D dans la région est encore jeune. Et après les membres et les dents, cette technologie pourrait être utilisées pour les organes, selon certains professionnels de santé.

L’utilisation de la technologie 3D permet de définir très précisément la forme, la taille et les détails physiques propres à chacun et de créer ainsi des prothèses personnalisées, de réelles répliques internes et externes.

Pour les professionnels médicaux toujours à la recherche de méthodes efficaces et rentables, ces répliques en 3D – sur lesquelles les chirurgiens peuvent s’exercer avant d’intervenir en réel sur leur patient – pourraient permettre de limiter les risques liés à une opération, d’économiser ainsi des heures de travail au bloc et donc des centaines de milliers de dollars.

Il y a deux ans, les médecins de l’hôpital de Dubaï ont utilisé la technologie 3D pour un acte de chirurgie rénale sur un patient atteint d’une tumeur. C’était une première dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA).

Le Dr. Mohammed Al Redha a supervisé cette intervention pionnière aux Émirats arabes unis. Pour lui, l’utilisation de modèles 3D présente des avantages pratiques immédiats.

“Nous avions eu en amont toutes les indications concernant cette opération grâce à une cartographie en 3D très précise de l’intervention, ce qui nous a permis de la réaliser en trois heures au lieu de cinq”, explique le Dr. Mohammed Al Redha.

Si Fahad est heureux aujourd’hui, il a eu besoin, au départ, d’arguments convaincants pour envisager une prothèse en 3D. Et il pourrait encore être surpris par cette technologie qui se développe à grands pas.

“Ce qui se passe actuellement, ce qui explique le soudain intérêt du monde pour la technologie 3D, c’est la révolution de l’intelligence artificielle. Nous pouvons désormais imaginer à quoi vont ressembler les jambes d’un double amputé… ou encore définir un modèle préopératoire en traduisant l’espace virtuel que représente une tumeur rénale dans un langage compréhensible via l’impression 3D”, détaille le Dr. Mohammed Al Redha.

L’industrie de l’impression 3D a été marquée par des avancées majeures. Un jour et même très bientôt, selon des experts, les malades pourront peut-être se procurer des cachets en 3D contre les mots de tête. Reste à voir si les entreprises du Moyen-Orient seront pionnières dans ce domaine et si elles tireront parti d’une industrie qui devrait représenter environ 120 milliards de dollars d’ici 2020.

La “capsule santé” qui vous veut du bien

Pour les habitants de la région qui n’ont pas le temps, ou pas les moyens financiers pour réaliser des examens médicaux réguliers, les choses pourraient bientôt changer. Car dans les prochaines semaines, certains hôpitaux, supermarchés et même salles de sport seront équipés de scanners, ou “capsules santé”, capables de détecter de graves problèmes de santé en moins de dix minutes.

Aux Émirats arabes unis, ces capsules médicales représentent une réelle avancée dans la lutte contre le diabète de type 2, un vrai problème de santé local puisque les Émirats arabes unis sont ’un des pays au monde ou le taux de prévalence est le plus élevé.

D’ici 2020, 32 % de la population adulte émirienne sera atteinte de diabète ou de prédiabète selon l’agence Zawya. Un problème qui aura aussi un coût estimé à 8 milliards et demi de dollars.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime également que plus de 70 % des hommes et des femmes émiraties sont en surpoids. Le taux d’obésité, notamment chez les jeunes, est supérieur à celui des États-Unis.

Pour s’attaquer au problème, les Émirats ont mis en place des actions de prévention. Ainsi, en matière de diabète notamment, les capsules santé dotées d’une intelligence artificielle, permettraient d’aider à établir un diagnostic précoce.

Ces capsules ont été conçues par Patrice Coutard. Préparateur physique de l’équipe nationale de foot des EAU depuis quinze ans, ce Français souhaitait surveiller et améliorer les performances de ses joueurs.

Patrice Coutard est à la tête de la start-up Bodyo. Cette plateforme commercialise ces capsules qui au fil du temps ont été perfectionnées. Elles permettent aujourd’hui la surveillance de nombreux paramètres vitaux et donc l’élaboration de programmes santé-nutrition personnalisés.

Responsabiliser les Émiriens et les expatriés émiratis est crucial pour la start-up Bodyo, ce qui lui a valu d’être choisie par la “Fondation Dubaï Future” sans cesse à la recherche de projets innovants.

Des centaines d’entreprises étaient en concurrence pour participer au programme baptisé “Dubaï Future Accelerators”. Dans ce programme, des start-ups spécialisées dans les domaines de l’Intelligence artificielle, de la robotique et de la biotechnologie – toutes détentrices de prototypes futuristes – travaillent avec les gouvernements locaux pour trouver des solutions révolutionnaires pouvant répondre aux défis urgents du monde moderne.

Cette année sera décisive pour Bodyo qui a été lancée par Patrice Coutard mais aussi par le PDG Tariq Hussain, grâce à des fonds privés.

Si dans les hôpitaux publics, les cliniques et tous les lieux où sont disponibles les capsules santé, les utilisateurs sont réceptifs et satisfaits, le projet sera étendu aux centres commerciaux et même aux supermarchés à travers tout le pays. Et si tout se passe bien, l’équipe de Bodyo prévoit de pénétrer les marchés européen, américain et asiatique d’ici 2023.

Entretien avec Tariq Hussain, PDG de Bodyo

L’équipe d’Inspire Middle East a rencontré Tariq Hussein au siège de Bodyo. Il n’était pas dans son bureau, mais dans une de ses capsules… dont il vérifie le bon fonctionnement quotidiennement.

Rebecca McLaughlin-Duane, euronews : Tariq Hussein, merci beaucoup de nous recevoir. Les données biométriques collectées par la capsule permettront aux utilisateurs de savoir s’ils peuvent être sont sujets à l’obésité, au diabète ou à certaines maladies cardio-vasculaires. Ce sont des problèmes souvent rencontrés à l‘échelle mondiale, mais qu’en-est-il dans la région ?

Tariq Hussain, PDG de la start-up BodyO : “Vous avez raison, à l‘échelle mondiale, ces problèmes ont presque atteint des proportions endémiques. Près de 60 % de la population est en surpoids ou obèse et ce chiffre augmente chaque année. Il n’y a donc pas assez de mesures préventives. Notre technologie permet aux utilisateurs de télécharger leurs données. Ces dernières sont ensuite envoyées – avec leur consentement – à un hôpital ou à une clinique pour être analysées et prévenir ainsi un éventuel risque d’aggravation”.

Euronews : Parlons de confidentialité. Les données sont collectées et stockées dans une base de données est sont ensuite mises à la disposition des médecins. Ces données sont-elles partagées avec des tiers ?

Tariq Hussain : “C’est une excellente question. En théorie, les utilisateurs doivent consentir à partager leurs données. À défaut, ces données restent les leurs. Outre ce paramètre, nous examinons aussi d’autres niveaux de confidentialité. Nous envisageons la possibilité de mettre en place une Blockchain qui améliorera encore degré de sécurité pour les utilisateurs”.

Euronews : Actuellement, ces capsules sont à mises à disposition du public gratuitement. Mais, qu’en est-il pour vous ? Comment ça marche ?

Tariq Hussain : “Pour les entreprises qui veulent louer une capsule, nous proposons un contrat de location dont le montant se situe entre 1 000 et 1 450 dollars par mois. Cela comprend l’entretien, la maintenance et les remises à niveau. Donc, les prix que nous proposons ne sont pas seulement attrayants pour les grandes entreprises, mais permettent également aux petites entreprises, comme les salles de sport, de s’équiper”.

Euronews : Comment incitez-vous les gens à utiliser ces capsules ? Existe-t-il un modèle économique pour ce type de technologie de la santé, en particulier lorsque des entreprises sont impliquées ?

Tariq Hussain : “Nous avons notre propre plate-forme, ce qui nous permet une plus grande interaction avec les utilisateurs. Mais il ne s’agit pas seulement de les inciter à essayer, mais aussi de les convaincre, de les motiver et de les récompenser. Grâce à cette plateforme, nous pouvons aussi les mettre en lien avec les sociétés ou les salles de sports équipées de capsules qui peuvent éventuellement leur proposer un abonnement ou des réductions sur les choses qu’ils aiment. Chaque société est libre de définir les récompenses et les avantages qu’elle veut offrir à ses utilisateurs afin que cela soit en adéquation avec son degré d’implication”.

Euronews : À quelle fréquence utilisez-vous cette machine et avez-vous été surpris par certains des résultats obtenus ?

Tariq Hussain : “Je l’utilise quotidiennement bien sûr… et depuis un mois maintenant. Je pesais environ 84 kg il y a un mois et je pèse aujourd’hui 78 kg, un poids que je n’avais pas atteint depuis au moins 20 ans. Fort de ce constat, je me suis concocté mon propre régime qui, je dirais, m’a réellement permis de perdre du ventre”.

Euronews : Et en tant que PDG, comment va votre tension artérielle ?

Tariq Hussain : “En ce moment, tout va très bien, mais je la surveille tous les jours et c’est très intéressant car, vous savez, la pression artérielle varie vraiment au cours de la journée”.
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