Concours miss nationaux : entre accusations de proxénétisme et manque d'identité culturelle

En plusieurs décennies d’existence, les concours nationaux miss dans plusieurs pays d’Afrique ont évolué entre soupirs d’exaspération et encouragements. Toutefois, dans une société en pleine mutation et avec la montée en puissance du féminisme, les appels se multiplient pour réformer en profondeur ces concours afin qu’ils s’adaptent aux réalités actuelles.

Sur le continent, de nombreux pays ont déjà élu leurs ambassadrices de la beauté. Cameroun, Côte d’Ivoire et récemment le Burkina Faso ont passé le cap, tandis que d’autres pays comme le Togo, le Ghana ou le Bénin sont en plein dans les préparatifs.

Et comme ça a souvent été le cas, ces concours de beauté se font écharper. Que ce soit sur l’utilité même de leur existence ou leur objectif inavoué. L’une des critiques qui revient le plus souvent, c’est l’effet vitrine que renvoient ces concours. Pour beaucoup, ces événements auxquels sont régulièrement invitées des personnalités de la République sont perçus comme une exposition de filles où peuvent venir se « servir » des hommes, uniquement sur la base du physique.

« Miss Burkina 2018 : vraiment du n’importe quoi ! », s’exclamait un internaute burkinabè quelques jours après le concours miss dans son pays, la semaine dernière. « Ce n’est ni plus ni moins qu’une cérémonie organisée pour faire passer nos sœurs au scanner pour certains boss et autorités de ce pays. On présente la femme comme un objet sexuel, un objet de décoration et ça ne dit rien aux ‘‘autorités’‘. Pourquoi ils n’organisent pas aussi une cérémonie pour désigner le plus bel homme ? », s’est-il indigné. « Quelles leçons on veut donner à la jeunesse à travers cette exhibition de nos soeurs ? Sûrement, on veut dire à la jeunesse, surtout à la gent féminine qu’on peut devenir millionnaire en exposant les fesses, les caleçons et autres au monde entier », a-t-il ajouté.

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Une analyse à laquelle se rallie Nathalie Yamb, la conseillère exécutive de Liberté et démocratie pour la république (Lider, parti ivoirien d’opposition ). “N’importe quoi ! C’est surtout un canal pour de vieux libidineux de pouvoir mougoupan (abuser, dans l’argot ivoirien) de la chair fraîche…”, réagissait-elle en janvier aux propos du Comité miss Côte d’Ivoire (Comici) qui annonçait que l‘édition 2018 se voulait un canal de lutte contre l’immigration clandestine.

“L’opium de la femme, c’est la beauté”

Justement, parlant de physique à quelle culture renvoie-t-il ? Dans la plupart des concours nationaux en Afrique ou ailleurs, les gabarits sont les mêmes, laissant croire qu’il n’existe qu’un seul carcan de beauté : des filles fines, aux bassins fins, aux cheveux longs, sans ventre… Une tyrannie de la beauté qui selon les associations féministes ne fait que renforcer les complexes chez les femmes qui ne répondent pas aux mêmes critères.

Selon l’association féministe Nous sommes 52, cela va plus loin en indiquant aux femmes qu’il faut être belle pour s’imposer dans la société. « L’opium des femmes, c’est la beauté. Parce qu’on ne leur parle jamais de leurs compétences », fustige l’association.

En cas de maintien de ces concours, les critiques plaident pour une réforme profonde de l’organisation et de l’objectif. Ils suggèrent que si les miss sont vraiment des modèles de la société comme le revendiquent les comités d’organisation, ces derniers doivent alors inclure dans les votes le parcours des candidates, leur vie ou encore leur engagement associatif.

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Des concours miss d’un autre genre

En attendant la grande révolution, certains essaient à leur manière de changer les choses. Cette année, la Côte d’Ivoire a élu une miss à la coiffure Nappy – contraction des mots Natural and Happy. Une première dans son histoire où les miss portent généralement lors du défilé de longues mèches. Si pour nombre d’Ivoiriens la victoire de Fatem Suy est un scénario monté de toute pièce par le Comité d’organisation pour surfer sur la vague Nappy, ils ont tout de même accepté de jouer le jeu rien que pour soutenir l’initiative du changement.

Les candidates sont également emmenées à s’exprimer sur un thème d’intérêt général afin de casser l’image de sex appeal.

Avec le concours Awoulaba qui existe depuis des décennies en Côte d’Ivoire, les organisateurs ont décidé de promouvoir la beauté africaine, après la maternité. Ici, pas question de défiler en Bikini, mais plutôt en tenue du terroir pour promouvoir la culture ivoirienne.

Dans une tout autre sphère, les femmes sont également à l’affiche, dans le cadre d’un concours, mais pour d’autres causes. Les concours miss Mathématiques ou Université, toujours en Côte d’Ivoire, visent plutôt la promotion de l’excellence à l‘école. Au Zimbabwe, c’est le concours Miss Albinos – contre les préjugés – qui récolte du succès. Mais, contrairement aux concours nationaux où les lauréates sont payées à coups de plusieurs milliers d’euros, biens immobiliers et mobiles – financés en partie par le gouvernement – , ces concours de beauté d’un autre genre ne bénéficient pas toujours du soutien des pouvoirs en place.

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