Pour le gouvernement zimbabwéen, Nelson Chamisa sera poursuivi en justice s’il continue de revendiquer la victoire lors de la présidentielle de ce lundi 30 juillet. Les proches de l’opposant n’entendent pas se laisser faire. Le Zimbabwe se dirige petit à petit vers une crise électorale.
Zimbabwe : vers une crise électorale ?
« En tant que gouvernement, nous avons noté avec préoccupation les actions et le comportement de certains dirigeants de partis politiques qui déclarent publiquement qu’ils annonceront des résultats sans tenir compte des dispositions légale », a déclaré le ministre de l’Intérieur Obert Mpofu aux médias à Harare. « Je suis sûr que personne ne souhaite provoquer les foudres de la loi et risquer d‘être envoyé en prison », a-t-il ajouté.
L’opposition au Zimbabwe a revendiqué mardi la victoire de son candidat Nelson Chamisa dès le premier tour de la présidentielle face au chef de l’Etat sortant Emmerson Mnangagwa, patron du parti de l’ancien président Robert Mugabe.
« Les résultats montrent au-delà de tout doute raisonnable que nous avons gagné les élections et que le prochain président du Zimbabwe est Nelson Chamisa » a déclaré un haut responsable du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), Tendai Biti, disant se baser sur les résultats des agents du parti.
De son côté, le président Mnangagwa, qui a succédé en novembre 2017 au président Robert Mugabe à la faveur d’un coup de force, s’est dit confiant de remporter les premières élections depuis la chute du père de l’indépendance qui gouvernait le Zimbabwe d’une main de fer depuis 1980.
Les résultats officiels des élections présidentielle, législatives et municipales de lundi, qui se jouent essentiellement entre la Zanu-PF au pouvoir et le MDC, n’ont pas encore été annoncés, alimentant dans l’opposition les soupçons d’“interférence” du camp gouvernemental dans le processus électoral.
« Il y a un retard délibéré dans l’annonce des résultats. Ce retard est totalement inacceptable », a estimé Tendai Biti, ancien ministre respecté des Finances, mettant « au défi » la commission électorale, la ZEC, d’annoncer les résultats.
Les premiers résultats étaient attendus mardi et les résultats complets d’ici le 4 août. Quelques heures plus tôt, Chamisa, 40 ans, avait déjà revendiqué une « victoire éclatante » sur son rival âgé de 75 ans. « Nous sommes prêts à former le prochain gouvernement », a-t-il lancé sur son compte Twitter.
Rapidement, Mnangagwa, ancien bras droit de Mugabe, lui avait répondu en sous-entendant qu’il menait, lui, la course. « Les informations obtenues par mes représentants sur le terrain sont extrêmement positives », a-t-il assuré sur son compte Twitter, se disant “enchanté par le taux de participation élevé”.
« Aucune fraude »
Les Zimbabwéens se sont rendus en nombre lundi aux urnes pour ces élections historiques. Selon la commission électorale, le taux de participation se situait aux alentours de 75 % une heure avant la clôture des bureaux de vote.
Avant les élections, Mnangagwa était donné favori de la présidentielle, même si l‘écart avec son principal adversaire s‘était récemment réduit, selon un sondage publié il y a une dizaine de jours. Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue des suffrages au premier tour, un second tour sera organisé le 8 septembre.
La commission électorale du Zimbabwe, très critiquée par l’opposition pendant tout le processus électoral, a affirmé mardi que les élections n’avaient été entachées d‘« aucune fraude ».
« Nous voudrions montrer au peuple zimbabwéen que nous, à la commission électorale du Zimbabwe, ne volerons pas le choix » des électeurs, a assuré sa présidente Priscilla Chigumba. « Quels que soient nos résultats, ils refléteront exactement » ce que le peuple « a décidé », a-t-elle dit.
Le président Mnangagwa, soucieux de se démarquer de son ancien mentor Robert Mugabe, avait promis des élections « libres et justes », alors que les scrutins des deux dernières décennies ont été entachés de violences et de fraudes.
« Avides de changement »
Pour preuve de sa bonne volonté, il avait invité, pour la première fois en seize ans, des observateurs occidentaux à surveiller le processus électoral.
En campagne, Mnangagwa, ancien vice-président et ministre de Mugabe, a promis un « nouveau Zimbabwe » et la relance de l‘économie, au bord de la faillite.
Devant les banques, les longues files de clients en quête d’un peu de liquide sont quotidiennes depuis des années. Les diplômés viennent chaque jour grossir les rangs des sans-emploi, alors que le taux de chômage avoisine les 90 %.
Chamisa, sans grande expérience politique, a lui fait de son âge son arme principale. Pendant la campagne, cet orateur au style vestimentaire, toujours impeccable a su séduire un électorat jeune, en quête de sang neuf.
Dans les rues d’Harare, des habitants s’inquiétaient mardi des réactions du parti au pouvoir en cas de défaite. « Il est exclu que la Zanu-PF accepte » la victoire du MDC, a estimé Tracy Kubara, une commerçante de 26 ans.
« Le MDC n’acceptera » pas s’il perd, a-t-elle toutefois ajouté, prédisant que « les gens descendront à coup sûr dans la rue parce qu’ils sont avides de changement ». Voilà qui augure une crise politique qui pourrait provoquer des violences comme en 2008 à l‘époque de Robert Mugabe. Une fois de plus, la gouvernance électorale sera sur la sellette en cas de chavirement du navire politique zimbabwéen.
Depuis son indépendance, le Zimbabwe n’a connu que deux chefs de l‘État, tous les deux issus du même parti, la Zanu-PF. D’abord Mugabe, contraint à la démission en novembre à l‘âge de 93 ans, puis Mnangagwa, qui a pris sa revanche après avoir été limogé quelques semaines plus tôt de son poste de vice-président.
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