A Brazzaville, la capitale politique du Congo, les conversations sont animées par la mort d’au moins 13 personnes, survenue dans la nuit du dimanche 22 au lundi 23 juillet derniers. Ce sont surtout le profil des morts et les circonstances de leur décès qui soulèvent des tonnes de questions. Des “bébés noirs”, ces jeunes gens désoeuvrés qui errent dans les rues des villes congolaises, seraient morts non pas pendant les affrontements qui les ont opposés entre eux, mais au commissariat. C’est du moins ce que certains affirment. Les détails.
Congo : mystère sur la mort de 13 personnes lors de violences entre gangs rivaux
L’affaire est arrivée sur le bureau du procureur de Brazzaville, qui a ouvert une enquête afin d’apporter de la lumière sur ce qui reste pour le moment un flou total. L’Inspection générale de la police a aussi ouvert une enquête administrative, d’après le gouvernement congolais. Ce qui pourrait calmer un temps soit peu les ardeurs de l’Organisation congolaise des droits de l’Homme, qui réclamait jusque-là l’ouverture d’une enquête.
D’après la police, 13 personnes sont mortes lors d’affrontements qui ont opposé des gangs rivaux de “bébé noirs” à Djiri, un quartier populaire de la capitale économique. Cette thèse est appuyée par Thierry Moungala, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement.
‘“Il ne s’est pas passé quelque chose au commissariat. Mais d’abord en amont, il y a eu, dans la nuit du 22 au 23 juillet, un incident grave dans un quartier situé dans l’arrondissement 9, Djiri. Une rixe absolument épouvantable entre deux bandes rivales. Deux bandes communément appelées, pour ce qui concerne ces voyous, des ‘bébés noirs’, qui se sont affrontées de manière très violente sur la voie publique avec toutes sortes d’armes ; blanches, comme au moins une arme à feu qui a été retrouvée. Et cet affrontement a entraîné la mort de plusieurs hommes, hélas. Voilà les faits.”
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Thierry Moungala, qui a tenu à insister sur le travail de la police, s’est empressé de préciser que celle-ci s’est comportée de façon professionnelle :
“Le temps que les services de police compétents viennent sur les lieux, mettent fin à la rixe, embarquent tous ceux qui étaient encore présents sur les lieux, il y a d’abord eu constat sur place, hélas, de quelques morts. Et ensuite, un transfert des individus qui étaient maîtrisés par les forces de police vers le commissariat de Chacona. Les services de police ont constaté au PSP qu’un certain nombre d’individus étaient très, très mal en point et ils les ont dirigés ensuite vers les services d’urgence qui sont compétents.”
Une version officielle très rapidement remise en cause
Mais la version du ministre est très vite remise en cause par l’OCDH (Organisation congolaise des droits de l’homme), qui pointe du doigt la police. Pour l’Organisation, les faits, comme les appelle Thierry Moungala, se sont bel et bien déroulés au commissariat de Chacona Mpila, bien connu à Brazzaville.
L’OCDH, qui dit être en contact avec les familles des victimes, fait savoir que certaines d’entre elles se sont empressées de prendre la direction de la morgue de Makelele. Trésor Nzila, le directeur exécutif de l’OCDH à Brazzaville, se pose des questions après avoir recueilli des témoignages de familles et autres proches.
“Il y a eu un drame au commissariat de police de Chacona. Les sources varient entre 5 et 14 morts. Les circonstances ne sont pas encore établies. C’est trop prématuré pour définir les circonstances dans lesquelles ces personnes ont trouvé la mort. D’après les témoignages que nous avons des familles directement concernées, les enfants ont été interpelés, soit dans la rue, soit devant les parcelles et conduits au commissariat. Ils ont été surpris et les enfants ont trouvé la mort.”
Et Trésor Nzila d’insister sur l’identité de certaines des victimes, rejetant le titre de “bébés noirs” attribué de facto aux victimes par le ministre congolais de la Communication :
“Parmi les personnes qui ont trouvé la mort, il y en a un qui a passé le baccalauréat, qui était donc en attente des résultats. Il y avait, parmi ces personnes qui ont trouvé la mort, des étudiants. Donc, on ne peut pas de façon légère dire que ces personnes seraient des ‘bébés noirs’.”
Le directeur exécutif de l’OCDH de Brazzaville va plus loin, dénonçant une excuse toute trouvée par les hommes en tenue :
“Le phénomène de ‘bébés noirs’ devient une excuse pour commettre des exactions dans la ville de Brazzaville. Nous avons demandé qu’il y ait toute la transparence sur ce drame. Et effectivement, il faut bien qu’il y ait une expertise médicale. Il faut qu’il y ait une enquête judiciaire et administrative.”
Les “bébés noirs” sont au Congo l‘équivalent des “microbes” en Côte d’Ivoire. Des jeunes dont l‘âge varie entre 9 (voire 7 ans) et 25 ans, ou plus. Ils sont livrés à eux-mêmes et, dans la plupart des cas, s’adonnent à des actes de violence afin de subvenir à leurs besoins.
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