Allemagne : le verdict de l'un des plus grands procès de néo-nazis attendu

L’Allemagne est dans l’attente du verdict de Beate Zschäpe, 43 ans, une néo-nazie dont le casier judiciaire est long comme un train. C’est ce mercredi que le verdict sera connu de tous. L’accusée risque la prison à perpétuité. Explications.

Beate Zschäpe (sur la photo), unique survivante d’un trio de néo-nazis du nom de “Clandestinité nationale-socialiste” (NSU), est originaire de l’ex-Allemagne de l’Est (ancienne RDA, communiste). Elle est accusée d’avoir participé à neuf meurtres xénophobes et à celui d’une policière entre 2000 et 2007. Parmi les neuf victimes, des Turques et des Allemands d’origine turque, mais aussi une Grecque.

Si cela peut paraître choquant, les dérives imputées à Beate Zschäpe ne s’arrêtent pourtant pas là. L’adepte de la philosophie hitlérienne serait aussi impliquée dans deux attentats contre des communautés étrangères et 15 braquages de banque. Selon le ministère public, l’accusée aurait joué le rôle de logisticienne, gérant les fonds du trio meurtrier et trouvant des logements à ses défunts compagnons de route. Le tout, pendant leur longue vie dans la clandestinité.

Beate Zschäpe n’est pas seule à la barre. Quatre autres néo-nazis comparaissent eux aussi dans ce procès fleuve. Ils sont soupçonnés d’avoir apporté de l’aide à la NSU et risquent des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu‘à 12 ans.

Un procès aux dimensions gargantuesques

Le trio néo-nazi était formé d’Uwe Mundlos (38 ans), d’Uwe Böhnhardt (34 ans) et de Beate Zschäpe. C’est en novembre 2011 que la police allemande a mis le grappin sur le trio aux ardeurs démesurées. Les corps des deux néo-nazis masculins ont été retrouvés inanimés. Visiblement, ils ont préféré la mort à l’arrestation. Les enquêteurs pensent qu’ils se sont tous deux suicidés, ou encore, que l’un deux a tué son complice avant de retourner l’arme contre lui-même.

Il a fallu à la justice allemande cinq longues années de débats (le procès ayant débuté le 6 mai 2013) pour arriver au bout de l’un des procès les plus longs de l’histoire d’après-guerre. C’est au terme de ce procès, marqué par une série de dysfonctionnements, que les cinq juges d’une cour de Munich doivent décider du sort de l’accusée.

Le procès de la NSU est en lui-même une véritable épreuve, mobilisant à lui tout seul jusqu‘à 437 journées d’audience, 15 avocats pour la défense, 750 témoins, plus de 50 experts, environ 80 parties civiles et un dossier de 300.000 pages. Nombreux sont ceux qui le comparent au procès kilométrique dit de “bande à Baader”, qui a eu cours il y a 43 ans.

L’affaire fait l’effet d’un séisme en Allemagne, pays longtemps marqué par les dérives meurtrières des nazis, menés par Adolf Hitler dans les années 1930-1940. Dans ce cas de figure, les services de renseignements intérieur sont pointés du doigt par les populations et la sous-estimation des réseaux néo-nazis et de l’extrême droite dans son ensemble est évoquée dans la plupart des conversations.

Excuses de la part du gouvernement, enquête bâclée

Le gouvernement d’Angela Merkel est dans l’embarras. En effet, le dangereux trio a opéré en toute tranquillisé pendant des années, sans se faire repérer par les services compétents. Pour tenter de rectifier le tir, l’Allemagne avait présenté ses excuses à l’ONU. Aussi, la chancelière allemande exprimait “la honte” de son pays quant à ces crimes commis. De petits commerçants turcs ayant été la cible des meurtriers, l’Allemagne et la NSU avaient été affublées du surnom très peu flatteur de ‘‘tueur des kebabs”.

Au cours de l’enquête, des familles de victimes avaient été injustement accusées. D’après certains proches de victimes qui ont témoigné à la barre, des policiers les ont soupçonnés de mentir, les hommes en tenue privilégiant plutôt la thèse du règlement de comptes entre trafiquants de drogue ou à du blanchiment d’argent. Et comme si cela ne suffisait pas, la piste xénophobe n’aurait pas été prise au sérieux par les policiers chargés de l’enquête. Pire encore, d’importants documents ont été détruits avant l’achèvement de l’enquête.

Pour élucider tout cela, une commission d’enquête parlementaire a été chargée d‘étudier cet étrange comportement de la police et de la justice. A l‘époque, Berliner Zeitung, le président du Bundestag (l’assemblée parlementaire) évoquait un “désastre historique sans précédent”. Il dénonçait de même “l’échec massif des autorités” dans l’enquête de plus de dix ans.

Berliner Zeitung, continuant dans sa logique d’indignation, avait martelé qu’“aucun des policiers qui ont été entendus comme témoins dans ce procès ne s’est excusé auprès” des familles des victimes.

L’accusée, qui a longtemps adopté la politique du silence radio lors de son procès, a fini par se prononcer. Elle a d’abord donné sa version des faits dans une lettre par le truchement de l’un de ses avocats. Puis, Beate Zschäpe s’est directement adressées (au président du tribunal, Manfred Götzl) à deux reprises à la barre en ces termes : “s’il vous plaît, ne me condamnez pas pour quelque chose que je n’ai ni voulu ni commis.”

Le procès, déjà long, s‘était embourbé dans d’interminables procédures, sans oublier les embrouilles entre juristes. A un certain moment, Beate Zschäpe avait même tenté de remercier ses trois avocats. Finalement, elle a fait appel à deux autres avocats, comme pour renforcer sa défense.
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